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« On m’attend à ce village pour un cas pressé, et je devrais y être depuis une demi-heure ; il faut que je m’y rende sur-le champ. Accordez-moi deux heures à partir de maintenant, et venez alors chez M. Candy ; je vous attendrai.

— Le moyen de patienter jusque-là ? m’écriai-je ; ne pouvez-vous au moins calmer mon inquiétude par un mot d’explication avant que nous nous quittions ?

— L’affaire est bien trop sérieuse pour s’expliquer aussi rapidement, monsieur Blake. Je ne me fais pas un jeu de mettre votre patience à l’épreuve ; ce serait seulement ajouter à votre trouble que d’essayer de l’alléger en ce moment. Au revoir dans deux heures à Frizinghall ! »

L’homme l’appela de nouveau ; il me quitta et se hâta de le rejoindre.


CHAPITRE X


Je n’ai pas la prétention de savoir jusqu’à quel point d’autres hommes placés dans ma situation en eussent été affectés ; mais en ce qui me concerne, voici comment l’influence de ces deux heures d’épreuve agit sur mon tempérament. Je me sentis physiquement incapable de rester en place, et moralement hors d’état de parler à qui que ce fût, jusqu’à ce que j’eusse entendu ce qu’Ezra Jennings avait à me communiquer.

Dans cette disposition d’esprit, je renonçai tout d’abord à la visite projetée chez Mrs Ablewhite ; j’évitai même de rencontrer Gabriel Betteredge.

Je laissai un mot pour ce dernier, en retournant à Frizinghall ; je lui mandais qu’une affaire importante avait inopinément réclamé ma présence, mais qu’il pouvait compter sur moi vers trois heures de l’après-midi. Je le priais de commander son dîner en m’attendant pour l’heure accoutumée et de s’occuper comme bon lui semblerait. Je sa-