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que je m’attendis à les voir se mettre en route bras dessus bras dessous pour l’autel. Les premiers mots de M. Godfrey m’apprirent pourtant qu’il restait quelques formalités indispensables à remplir.

Il s’assit à côté d’elle sur le divan, sans qu’on le lui défendît cette fois.

« Parlerai-je à votre chère mère ? lui dit-il, ou vous en chargez-vous ? »

Elle se refusa aux deux propositions.

« Je désire que ma mère n’apprenne rien par aucun de nous, jusqu’à ce qu’elle soit remise ; et je préfère que notre engagement reste secret pour le moment, Godfrey. Allez maintenant, et revenez-nous ce soir ; il me semble que nous avons été assez longtemps seuls ensemble ici. »

Elle se leva, et dans ce mouvement regarda pour la première fois du côté de la petite pièce où s’accomplissait mon martyre !

« Qui donc a tiré ces portières ? s’écria-t-elle ; la chambre est déjà bien assez étouffée sans qu’on intercepte ainsi le peu d’air qui reste. »

Elle s’avança vers les rideaux. Au moment où elle les touchait, au moment où, selon toute apparence, j’allais être découverte, la voix du jeune valet de pied suspendit subitement toute action de sa part ou de la mienne. Il appelait Rachel, évidemment, sous le coup d’une vive frayeur.

« Miss Rachel, où êtes-vous, miss Rachel ? »

Elle s’élança vers la porte, laissant les rideaux en place. Le valet de pied entrait au même instant. Ses fraîches couleurs avaient entièrement disparu.

« Veuillez, dit-il, descendre bien vite, miss ; milady s’est évanouie, et nous ne pouvons la faire revenir à elle. »

Je me trouvai seule aussitôt, et libre de descendre à mon tour inaperçue. M. Godfrey se croisa avec moi dans le hall, comme il sortait en toute hâte pour aller chercher le docteur.

« Entrez et venez à leur secours ! » me cria-t-il en désignant la porte.

Je trouvai Rachel agenouillée devant le canapé, avec la tête de sa mère appuyée sur son sein. Sachant ce que je savais, je n’eus besoin que de jeter un regard sur ma pauvre