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Je lui donnai ma carte sur laquelle j’écrivis au crayon :

« J’ai quelque chose à vous communiquer relativement la Pierre de Lune. Veuillez m’instruire du moment de votre retour. »

Cela fait, il ne me restait plus qu’à prendre mon parti de ce mécompte et à retourner à Londres.

L’état d’irritation où était mon esprit à cette époque, accru par le résultat négatif de mon petit voyage, me rendait le repos impossible ; dès le lendemain de mon retour de Dorking, je résolus de faire un nouvel effort pour percer l’obscurité qui enveloppait ma position.

Mais de quelle façon m’y prendre ?

Si l’excellent Betteredge avait été présent et qu’il eût pénétré le secret des pensées que je discutais intérieurement, il eût sans nul doute déclaré que le côté allemand de mon éducation reprenait en ce moment le dessus ; à dire vrai, il est possible que la culture germanique de mon esprit fût pour quelque chose dans la série de réflexions oiseuses où je m’engageai. Je restai pendant la plus grande partie de la nuit à fumer, bâtissant des théories plus impossibles les unes que les autres. Lorsque je m’endormis, mes fantaisies absurdes hantèrent encore mon sommeil, et je me levai le lendemain avec l’objectif et le subjectif entièrement brouillés dans mon cerveau ; cette journée, qui devait me montrer sous mon côté pratique, je l’inaugurai par le doute universel : je me demandai si la philosophie me donnait le droit de croire à l’existence de quoi que ce soit, et à celle du diamant en particulier.

Il est difficile de savoir combien de temps je serais resté perdu dans ce dédale métaphysique, si je n’avais eu que mes propres forces pour m’aider à en sortir ; mais la fortune voulut qu’un accident inattendu vînt à mon secours. Je portais par hasard ce matin-là la même redingote que j’avais sur moi le jour où je reçus la lettre de Betteredge ; en cherchant quelque chose dans une de mes poches, j’en retirai un papier tout froissé qui n’était autre que l’épître de mon digne ami.

Mon silence eût fait de la peine au vieux Betteredge ; je me dirigeai donc vers mon bureau afin de relire sa lettre et de lui répondre.