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Les larmes me gagnaient en dépit de mes efforts ! je ne pouvais plus supporter cette triste scène.

« Vous saurez un jour combien vous m’avez injustement accusé, dis-je ; sinon, vous ne me reverrez jamais ! »

Je la quittai ; elle se leva précipitamment de la chaise sur laquelle elle s’était laissée tomber un instant auparavant : elle me suivit, la noble créature, jusque dans la chambre voisine, et sa dernière parole fut une parole de miséricordieuse tendresse.

« Franklin ! dit-elle, Franklin, je vous pardonne ; oh ! Franklin, cher Franklin, nous ne nous reverrons jamais ! Dites au moins que vous me pardonnez. »

Je me tournai de façon qu’elle pût lire sur mon visage ce que ma voix était impuissante à exprimer ; je lui fis un signe de la main, et je l’aperçus comme une vision lointaine à travers les pleurs qui obscurcissaient mon regard. L’instant d’après, cette scène de désolation avait cessé. Je me retrouvai de nouveau dans le jardin. Je ne la voyais ni ne l’entendais plus.


CHAPITRE VIII


Je fus surpris le soir même par la visite que me fit M. Bruff.

On remarquait un changement notable chez l’avoué : il ne possédait plus son animation et son assurance habituelles. Pour la première fois depuis que je le connaissais il me serra la main en silence.

« Retournez-vous à Hampstead ? lui demandai-je pour dire quelque chose.

— J’arrive de Hampstead, fut sa réponse ; je sais que vous avez enfin appris toute la vérité ; mais je vous assure bien que si je m’étais douté du prix auquel cette confession serait achetée, j’eusse préféré vous laisser dans l’ignorance.

— Vous avez vu Rachel ?