Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Comment cela ?

— Auriez-vous pris le diamant en ce cas ? auriez-vous agi comme vous l’avez fait ? seriez-vous ici maintenant si vous aviez vu que j’étais éveillée et que je vous regardais ? Ne me forcez pas à parler de cet affreux moment ; je veux vous répondre avec calme ; tâchez de ne pas me faire sortir de mon sang-froid. Continuez, mais changez de sujet. »

Elle avait raison à tous les points de vue ; je poursuivis :

« Que fis-je, après m’être arrêté au milieu de la pièce ?

— Vous vous détournâtes, pour vous diriger ensuite droit vers le coin où se trouvait mon cabinet indien.

— Lorsque je fus près du meuble, je vous tournais le dos ; comment pouviez-vous voir ce que je faisais ?

— Je suivais tous vos mouvements ; il y a trois glaces dans mon boudoir et vous étiez placé de telle façon que l’une d’elles reflétait vos moindres gestes.

— Que vîtes-vous ?

— Je vous vis poser votre bougeoir sur le haut du cabinet ; vous ouvrîtes et fermâtes chacun des tiroirs les uns après les autres, jusqu’au moment où vous arrivâtes à celui qui contenait mon diamant. Vous considérâtes ce tiroir pendant un moment, puis vous y mîtes la main et vous en sortîtes la Pierre de Lune.

— Mais comment savez-vous que j’en ai retiré le diamant ?

— Je vis votre main plonger dans le tiroir, enfin je vis le scintillement de la Pierre qui brillait entre vos doigts lorsque votre main reparut.

— Ma main s’est-elle approchée de nouveau du tiroir, pour le fermer par exemple ?

— Non, vous teniez la Pierre dans votre main droite et vous avez repris votre bougeoir de dessus le meuble avec votre main gauche.

— Ai-je regardé après cela de nouveau autour de moi ?

— Non.

— M’avez-vous vu quitter la chambre aussitôt ?

— Non, vous êtes resté immobile pendant un temps assez long, je voyais votre figure de côté dans la glace ; vous sembliez tout absorbé par une méditation peu agréable.

— Que s’ensuivit-il ?