aurais épargné encore maintenant, si vous ne m’aviez forcée à parler. »
Elle fit le geste de quitter le salon, mais elle hésita avant de gagner la porte.
« Pourquoi êtes-vous venu au-devant de cette humiliation ? reprit-elle ; pourquoi m’avoir forcée à rougir de moi-même ? »
Elle fit quelques pas et s’arrêta de nouveau.
« Pour l’amour de Dieu ! dites donc quelque chose, s’écria-t-elle avec violence ; s’il vous reste un peu de pitié, ne me laissez pas m’oublier à ce point ! Parlez et obligez-moi à quitter cette pièce ! »
Je m’avançai vers elle, ne sachant vraiment ce que je faisais. Peut-être conservais-je un vague espoir de la retenir jusqu’à ce qu’elle m’en eût dit davantage. Du moment où j’avais appris que le témoignage sur lequel Rachel me condamnait était le témoignage de ses yeux, rien, pas même la certitude de mon innocence, ne me soutenait plus. Je la pris par la main ; mais, bien que je m’efforçasse de parler hardiment et d’aller droit au but, tout ce que je pus trouver fut :
« Rachel, il fut un temps où vous m’aimiez. »
Elle frissonna et détourna les yeux, mais sa main resta sans force dans la mienne.
« Laissez-la aller ! » dit-elle faiblement.
La pression de ma main paraissait agir sur elle comme avait agi le son de ma voix lorsque j’étais entré dans la chambre. Elle m’avait appelé lâche, elle m’avait fait un aveu qui me marquait d’un sceau d’infamie et cependant je sentais que je restais son maître tant que ma main était en contact avec la sienne.
Je l’attirai doucement vers le milieu de la pièce et l’assis près de moi.
« Rachel, lui dis-je, je ne puis vous donner aucune explication sur la contradiction que je vais vous soumettre moi-même ; je me bornerai à dire la vérité comme vous venez de la dire vous-même. Vous me vîtes, de vos propres yeux, prendre le diamant. Devant Dieu qui nous entend, je jure que je l’ai ignoré jusqu’à ce jour. Douterez-vous encore de moi ? »
Elle ne m’avait ni écouté ni entendu.
« Laissez ma main. » murmura-t-elle.