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mon côté de lui mander tout ce qui pourrait l’intéresser. Je venais de lui faire mes adieux, quand il m’arriva de jeter un coup d’œil sur la boutique du marchand de journaux, et qu’y vis-je ? Le singulier assistant de M. Candy en conversation avec le libraire !

Nos yeux se rencontrèrent au même moment. Ezra Jennings me salua, je lui rendis sa politesse, et je montai dans le wagon. Je crois que mon esprit trouvait un certain soulagement à s’intéresser à un sujet qui en apparence devait lui être absolument étranger. En tous cas, je commençai le voyage qui me ramenait vers M. Bruff, en me demandant comment il se faisait que j’eusse rencontré deux fois dans la même journée l’homme aux cheveux pie !

L’heure à laquelle j’arrivai devait m’empêcher de trouver M. Bruff à son bureau ; j’allai donc du chemin de fer à sa demeure privée dans Hampstead ; je réveillai le vieil avoué qui sommeillait dans sa salle à manger, son carlin favori sur les genoux et sa bouteille de vin à portée de sa main.

Je ne saurais mieux rendre l’effet que produisit mon récit sur M. Bruff qu’en relatant ses faits et gestes dans cette occasion. Il commanda du thé très-fort, fit porter des lumières dans son cabinet et envoya prier les dames de sa famille de ne le déranger sous aucun prétexte que ce fût ; ces préliminaires accomplis, il examina la robe de nuit d’abord, puis se mit à lire la lettre de Rosanna Spearman.

Quand il en eut achevé la lecture, M. Bruff m’adressa la parole pour la première fois depuis que nous étions réunis dans son cabinet.

« Franklin Blake, me dit le vieux gentleman, cette affaire-ci est des plus sérieuses ; et cela à plusieurs points de vue ; car, à mon avis, elle regarde Rachel au moins autant que vous ; son incompréhensible conduite s’explique maintenant : elle croit que vous avez volé le diamant. »

J’avais reculé devant cette conséquence logique du raisonnement ; mais néanmoins elle s’était imposée à mes réflexions. Ma détermination bien arrêtée d’obtenir de Rachel une entrevue personnelle était fondée réellement sur cette conviction.

« La première mesure à prendre dans cette enquête, continua l’avoué, est de faire appel à Rachel. Elle s’est tue