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gnais de vous mécontenter, je redoutais ce que vous me diriez (bien que vous fussiez coupable du vol du diamant), si j’osais vous prouver que je connaissais votre faute. J’avais été bien près de parler dans la bibliothèque ; alors vous ne m’aviez pas tourné le dos, alors vous ne m’aviez pas fuie comme si j’avais la peste. J’essayai de m’irriter contre vous et de me donner ainsi du courage. Hélas ! non, je ne ressentais que chagrin et humiliation :

« — Vous êtes laide, vous avez une épaule difforme, vous n’êtes qu’une housemaid, de quoi vous avisez-vous en m’importunant de votre présence ? »

« Vous ne m’avez jamais dit une parole semblable, monsieur Franklin, mais toute votre personne parlait pour vous ! Peut-on s’expliquer une telle folie de ma part ? Non, je ne puis que m’en accuser, rien de plus.

« Je vous demande pardon d’être sortie encore une fois de mon sujet. Cela n’arrivera plus, car je touche à la fin de mon récit.

« La première personne qui vint me relancer dans la buanderie fut Pénélope. Depuis longtemps déjà elle avait deviné mon secret et elle n’avait pas négligé les remontrances affectueuses pour me rendre le sens commun.

« — Ah ! dit-elle, je sais pourquoi vous êtes ici toute seule, à vous désoler ; ce qui peut vous arriver de plus heureux, Rosanna, est que la visite de M. Franklin prenne fin ; du reste, je crois que maintenant il ne tardera plus à quitter la maison. »

« Toutes mes pensées se rapportaient à vous, et cependant l’idée de votre départ ne m’était jamais venue. Incapable de proférer un mot, je donnai ma réponse à Pénélope dans un regard.

« — Je viens de sortir de chez miss Rachel, continua-t-elle ; j’ai de vilains moments à passer par suite de son caractère ; elle prétend que la présence de la police lui rend le séjour de la maison insupportable ; elle est décidée à parler ce soir à milady, et à aller retrouver demain sa tante Ablewhite. Si elle réalise ce projet, comptez que M. Franklin aura bien vite imaginé un prétexte pour s’en aller aussi ! »

À ces paroles, je recouvrai l’usage de ma langue.

« — Croyez-vous, demandai-je, que M. Franklin ira avec elle ?