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ce qui serait le moins dur, de continuer à supporter votre indifférence ou de me jeter dans le gouffre et d’en finir à jamais.

« Il serait inutile de chercher à expliquer ma conduite à cette époque, je ne me comprenais pas moi-même.

« Pourquoi ne vous arrêtai-je pas lorsque vous mettiez un soin si cruel à m’éviter ? Pourquoi n’ai-je pas su crier :

« — Monsieur Franklin, j’ai quelque chose à vous dire, cela vous intéresse ; je veux, il faut que vous m’entendiez ! »

Je vous tenais dans ma dépendance ; j’avais, comme on dit, barres sur vous, et bien plus, si je parvenais à vous inspirer confiance, j’avais les moyens de vous rendre mille services dans l’avenir.

« Naturellement, je n’ai jamais supposé qu’un gentleman comme vous eût volé le diamant pour le seul plaisir de le voler. Non, Pénélope avait souvent entendu parler par miss Rachel de vos folies et de vos dettes ; il était donc clair que vous vous étiez emparé du joyau pour le vendre ou l’engager, afin de vous procurer l’argent dont vous aviez besoin.

« Eh bien ! je vous aurais adressé à Londres à un homme qui vous eût prêté une grosse somme sur le diamant sans vous faire aucune question embarrassante.

« Pourquoi ne vous ai-je pas parlé ! Ah ! pourquoi ? est-ce que je craignais d’ajouter de nouveaux risques à ceux que me faisait déjà courir la possession de la robe de nuit ? Cette crainte eût pu exister chez d’autres femmes, mais non chez moi. Lorsque je faisais métier de voler, j’avais cent fois affronté de bien plus grands dangers et j’étais sortie de difficultés auprès desquelles celles-ci n’étaient qu’un jeu d’enfant. Élevée dans la tromperie et le mensonge, j’avais fait mes preuves en ce genre et quelques-uns de mes tours d’adresse avaient eu assez de retentissement pour être signalés dans les journaux. Dès lors était-il croyable qu’une bagatelle comme le fait de cacher ce vêtement pût peser ainsi sur mon esprit et me paralyser au moment où j’aurais dû vous parler ? Non, une pareille supposition serait insensée.

« Mais à quoi bon m’appesantir sur ma folie ! La vérité est que, loin de vous, je vous aimais de tout mon cœur et de toute mon âme ; en votre présence, j’étais intimidée, je crai-