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Nous le trouvâmes dans la chambre de miss Rachel ; il nous dit qu’il n’avait pas besoin d’un tas de femmes dans la pièce ; puis, montrant sur la porte une partie de la peinture qui était abîmée, il accusa nos jupes d’en être cause et nous renvoya toutes en bas.

« Après être sortie de la chambre, je m’arrêtai sur le palier afin de voir si par hasard la tache de peinture ne se trouvait pas sur ma robe. Pénélope Betteredge (la seule des filles de service avec laquelle je fusse dans des termes d’amitié) vint à passer et remarqua ce que je faisais.

« — Vous n’avez pas besoin de chercher, Rosanna, me dit-elle ; la peinture en question est sèche depuis des heures. Si M. Seegrave ne vous avait pas fait espionner ainsi, je le lui eusse appris ; je ne sais ce que vous pensez de son impertinence ; mais quant à moi, personne ne m’a jamais insultée de la sorte ! »

« Pénélope s’emportait aisément ; je la calmai et la ramenai à ce qu’elle venait de me conter de l’état de la peinture.

« — Comment savez-vous cela ? lui demandai-je.

« — J’ai passé ma matinée d’hier, reprit-elle, avec miss Rachel et M. Franklin, à mélanger les couleurs pendant qu’ils finissaient cette porte. J’ai entendu miss Rachel demander si elle serait sèche le soir de façon qu’on pût la montrer aux invités réunis pour fêter l’anniversaire de sa naissance. M. Franklin fit un signe de tête négatif et dit qu’il lui fallait douze heures pour sécher. Ceci était bien après le luncheon ; ils n’ont terminé qu’à trois heures de l’après-midi. Faites maintenant appel à vos connaissances arithmétiques, Rosanna ; moi, mes calculs établissent que la porte était sèche à trois heures du matin.

« — Quelques-unes de ces dames sont-elles montées la voir dans la soirée ? demandai-je ; il me semble avoir entendu miss Rachel les prier de ne pas s’approcher de la porte.

« — Aucune de ces dames n’a pu enlever cette partie de la peinture ; car j’ai quitté miss Rachel après l’avoir couchée, vers minuit, et la porte était alors en parfait état.

« — Ne devriez-vous pas dire tout cela à M. Seegrave, Pénélope ?

« — Pour tout l’or du monde, je ne dirai pas un mot qui puisse aider M. Seegrave. »