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CHAPITRE IV


La signature du testament prit beaucoup moins de temps que je ne l’avais supposé ; je trouvai qu’on y apportait une hâte indécente. Samuel, le valet de pied, servit de second témoin, et la plume fut placée entre les mains de ma tante. J’avais grande envie de dire quelques mots appropriés à cette solennelle circonstance. Mais les manières de M. Bruff me convainquirent qu’il était plus sage de me contenir tant qu’il serait là. En moins de deux minutes tout fut terminé, et Samuel redescendit sans avoir eu le bénéfice de la petite allocution que j’aurais pu faire.

M. Bruff plia le testament, et regarda de mon côté, s’étonnant sans doute que je ne le laissasse pas seul avec ma tante ; mais j’avais ma mission charitable à remplir, et mon sac de précieux traités reposait sur mes genoux. Autant eût valu essayer de remuer la cathédrale de Saint-Paul qu’entreprendre de m’éloigner de la chambre. Il avait un mérite, dû à son éducation mondaine, mais que je ne nie pourtant pas, il voyait tout de suite l’état des choses. Je parus lui faire la même impression qu’au cocher du cab ; lui aussi murmura une expression profane, mais il se retira en toute hâte, et me laissa maîtresse du terrain.

Dès que nous fûmes seules, ma tante s’étendit sur le canapé, puis revint avec quelque embarras sur le sujet de son testament.

« J’espère, ma chère Drusilla, me dit-elle, que vous ne vous croyez pas oubliée ; je compte vous remettre personnellement mon petit legs. »

Je vis là une occasion unique et la saisis sur l’heure. J’ouvris mon sac, et je pris la publication qui se trouvait sur le dessus ; c’était une des premières éditions (la vingt-cinquième seulement) du célèbre livre anonyme qu’on croit pouvoir at-