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car ma tendresse avait besoin en ce moment d’une pareille démonstration.

« Oh ! lui dis-je avec ferveur, quel intérêt inimaginable vous m’inspirez ! Quel bien j’espère pouvoir vous faire avant la grande séparation ! »

Après quelques mots d’encouragement sérieux, je lui donnai le choix entre trois de mes amis les plus chers, qui tous s’occupaient sans relâche d’œuvres de miséricorde dans notre voisinage ; tous également inépuisables dans leurs exhortations, et prêts à entreprendre cette sainte tâche au moindre signal de ma part. Hélas ! mon zèle fut loin d’être récompensé. La pauvre lady Verinder parut surprise et effrayée. À tout ce que je pus lui dire, elle se contenta d’opposer la banale objection des mondains, à savoir, qu’elle n’était pas assez forte pour voir des étrangers.

Je cédai, quoique, bien entendu, pour le moment seulement.

Ma grande expérience (je suis, comme lectrice et visiteuse, sous la direction d’au moins quatorze amis ecclésiastiques !) m’apprenait que ce cas-ci demandait également une préparation à l’aide de lectures. Je possédais une petite bibliothèque d’ouvrages, tous applicables à la circonstance actuelle, et tous capables d’éveiller, d’animer, de préparer, d’éclairer et de fortifier ma tante.

« Vous lirez au moins, chère âme, n’est-ce pas ? dis-je de mon ton le plus persuasif ; vous lirez si je vous apporte mes précieux livres ? Les feuillets sont pliés à tous les passages remarquables, ma tante, et marqués au crayon partout où vous devrez vous arrêter en vous demandant : « Cela s’applique-t-il à moi ? »

Telle est l’influence païenne du monde que même ce simple appel parut troubler ma tante. Elle me dit :

« Je ferai ce que je pourrai, Drusilla, afin de vous être agréable, » mais cela sur un ton de surprise bien instructif et effrayant pour qui l’entendait.

Il n’y avait pas un moment à perdre ; l’horloge m’avertissait que j’avais juste le temps de courir chez moi, de me munir d’un choix de lectures, disons seulement d’une douzaine de livres, et de revenir à point pour l’arrivée de l’avoué et la signature du testament de lady Verinder. Je promis