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Notre cher M. Godfrey lui-même avait sa part, part bien faible, j’en conviens, mais enfin il l’avait, dans notre triste héritage d’Adam !

J’avoue que cela me fit peine de le voir tenir la main de Rachel entre les deux siennes, la serrer et la poser sur le côté gauche de son gilet ; il semblait ainsi donner raison à sa malheureuse liberté de langage et à l’impertinente allusion qu’elle m’avait décochée.

« Ma bien chère Rachel, dit-il de cette voix qui nous pénétrait lorsqu’il parlait de l’avenir des pantalons, les journaux vous ont tout appris et mille fois mieux que je ne saurais le faire moi-même.

— Godfrey trouve, observa ma tante, que nous donnons tous trop d’importance à l’affaire ; il me disait qu’il préférait n’en plus parler.

— Pourquoi donc ? »

Elle fit cette question avec une vivacité extrême dans la physionomie, et ses yeux se levèrent soudainement sur M. Godfrey. De son côté, il la couvrit d’un regard rempli d’une indulgence si déplacée et si peu méritée, que je crus devoir intervenir.

« Rachel, ma chérie, objectai-je avec douceur, le vrai courage et la grandeur d’âme sont toujours modestes.

— Vous êtes un excellent garçon à votre manière, Godfrey, reprit-elle sans m’accorder, veuillez le remarquer, la moindre attention, et en s’adressant toujours à son cousin avec la familiarité d’un camarade ; mais je suis sûre que vous ne possédez ni un courage exceptionnel ni tant de grandeur, et j’ai des raisons de croire que, si jamais vous avez eu la modestie en partage, vos admiratrices se seront chargées depuis nombre d’années de vous délivrer de cette rare vertu. Vous avez quelque motif particulier pour vous taire sur l’aventure de Northumberland-Street, et moi, je désire la connaître dans ses détails.

— Ma raison est la plus simple de toutes à comprendre, répondit son cousin, dont la patience envers elle ne se démentait pas ; je suis fatigué de parler de cela.

— Vous êtes fatigué d’en parler ? Mon cher Godfrey, je vais vous faire une observation.

— Laquelle ?