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Telle fut leur conversation ; et M. Jeffco me l’écrivit textuellement. Celle qui eut lieu en dehors de la bibliothèque fut plus courte encore.

« Jeffco, voyez à quelle heure part le train correspondant à la marée de demain matin.

— À six heures quarante, monsieur.

— Qu’on m’éveille à cinq heures.

— Vous repartez pour l’étranger, monsieur ?

— Je pars, Jeffco, pour tel lieu où le chemin de fer voudra me conduire.

— Faut-il prévenir monsieur votre père ?

— Vous le lui direz à la fin de la session ! »

Le lendemain matin, M. Franklin était reparti pour l’étranger ; le pays dans lequel il se rendait, personne, à commencer par lui, ne pouvait le deviner. Nous pouvions aussi bien apprendre qu’il était en Europe, en Asie, ou dans toute autre partie du monde ; les chances en faveur de chacune d’elles étaient égales, d’après M. Jeffco.

Ces nouvelles m’interdirent l’espoir de faire d’autres découvertes, puisqu’elles rendaient impossible la rencontre de Lucy la Boiteuse et de M. Franklin. Un seul point restait acquis : Pénélope ne s’était pas trompée en prétendant qu’un amour malheureux avait poussé sa compagne au suicide. Quant à la lettre que Rosanna avait laissée pour M. Franklin, contenait-elle la confession qui avait paru plus d’une fois sur le point de s’échapper des lèvres de la pauvre fille, cela demeurait un secret impénétrable pour le moment. Cet écrit pouvait n’être qu’un adieu, confidence suprême de l’étrange passion que notre housemaid éprouvait pour une personne placée au-dessus d’elle. C’était peut-être aussi un aveu où l’on eût trouvé l’explication de la conduite mystérieuse de Rosanna depuis la disparition du diamant jusqu’au jour où elle était allée chercher la mort aux Sables-Tremblants.

La lettre avait été mise cachetée entre les mains de Lucy, et cachetée elle resterait pour chacun de nous, même pour les parents de cette fille. Nous savions qu’elle avait été la confidente de Rosanna ; j’essayai donc de la faire parler, mais mes efforts et ceux de bien d’autres échouèrent devant son obstination.

Tantôt l’un, tantôt l’autre des domestiques, poussé par la