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M. Franklin, avec cette soudaineté de résolution qu’on lui voyait quelquefois, sortit afin de calmer ses nerfs par une longue promenade.

Je fus la seule personne qui le vît partir, et il me dit qu’il rentrerait avant le retour du sergent. Le changement de temps prévu avait eu lieu ; après une nuit pluvieuse, le vent s’était élevé, et augmentait pendant la matinée ; pourtant, bien que les nuages menaçassent, la pluie ne tombait pas ; en somme, la journée rendait la promenade tolérable pour quelqu’un de jeune et de robuste, qui pût braver les rafales du vent de mer.

Je suivis milady après le déjeuner, et l’aidai à régler les comptes de la maison. Elle ne fit allusion qu’une fois à la Pierre de Lune, et cela pour défendre qu’il en fût question entre nous.

« Attendons le retour de cet homme, me dit-elle, entendant par là M. Cuff ; lorsqu’il reviendra, il faudra bien en parler, maintenant rien ne nous y oblige. »

Après avoir quitté milady, je trouvai Pénélope qui m’attendait dans ma chambre.

« Je voudrais bien, père, que vous vinssiez parler à Rosanna ; je suis très-tourmentée à son sujet. »

Je devinais aisément ce que cela pouvait signifier. Mais j’ai pour système que les hommes, étant supérieurs aux femmes, ont le devoir de travailler à améliorer celles-ci, lorsqu’ils le peuvent. Quand une femme (que ce soit ma fille ou toute autre) veut me faire faire quelque chose, j’insiste toujours pour savoir le pourquoi. Plus vous forcerez une femme à fouiller dans sa tête pour trouver une raison, plus vous la trouverez aisée à diriger dans toutes les occasions de sa vie. Ce n’est pas leur faute, pauvres créatures, si elles agissent d’abord et ne pensent qu’après. C’est la faute des imbéciles qui leur passent toutes leurs fantaisies.

Les raisons de Pénélope furent données en ces termes :

« Je crains, père, que M. Franklin n’ait à son insu cruellement blessé Rosanna.

— Qu’est-ce qui a pu conduire Rosanna vers la promenade du taillis, demandai-je ?

— Sa propre folie, pas autre chose, me répondit ma fille. Elle était décidée, coûte que coûte, à parler ce matin à