nouvel embarras, envoyez-la-moi dans la bibliothèque. » Il déposa la queue de billard, et me quitta, me laissant sous l’impression des paroles que lui suggérait son bon cœur.
Les questions que je fis aux autres domestiques m’apprirent que Rosanna était dans sa chambre. Elle avait refusé leurs soins, tout en en témoignant sa reconnaissance, et elle demandait seulement à se reposer en paix. S’il y avait une confession de sa part à faire, elle ne pouvait plus être provoquée pour cette nuit. Je rendis compte de la position à M. Franklin qui, après m’avoir entendu, quitta la bibliothèque et monta se coucher.
Je faisais éteindre les lumières et fermer les fenêtres, lorsque Samuel vint me donner des nouvelles des deux hôtes qui occupaient ma chambre.
La dispute sur la rose mousse blanche avait apparemment pris fin, car le jardinier était retourné chez lui, mais on ne trouvait le sergent à aucun des appartements inférieurs de la maison.
Je regardai dans ma chambre ; on n’y pouvait découvrir que deux verres vides et une forte odeur de grog chaud. Peut-être le sergent s’était-il retiré dans la chambre qu’on lui avait préparée ; je m’y rendis.
Lorsque j’atteignis le second étage, je crus entendre à ma gauche le bruit d’une respiration régulière et paisible. Le côté gauche menait à un corridor communiquant avec la chambre de miss Rachel. Je regardai, j’y entrai, et que vis-je ? Couché sur trois chaises placées juste en travers du passage, un foulard rouge noué autour de sa tête grise, et sa respectable redingote noire roulée en guise d’oreiller, le sergent Cuff reposait et dormait ! Il s’éveilla à l’instant où j’approchai, et aussi tranquillement que l’eût fait un gros chien. « Bonne nuit, monsieur Betteredge, me dit-il. N’oubliez pas, si jamais la passion des rosiers vous saisit, que la rose mousse blanche ne s’en trouvera que mieux pour n’être pas greffée sur églantier, quoi que le jardinier affirme sur cet article-là !
— Que faites-vous donc ici ? lui dis-je ; pourquoi n’êtes-vous pas dans votre lit qui vous attend ?
— Je ne suis pas dans mon lit, répliqua le sergent, parce que je fais partie de la foule trop nombreuse qui ne saurait gagner son pain à la fois honnêtement et aisément.