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drez bien avoir l’obligeance de ne toucher à ce métier qu’en ma compagnie. »

Je méritais cette verte remontrance, je le sais ; mais, n’importe, je savais aussi que je ne l’aiderais pas à tendre des pièges à Rosanna ; voleuse ou non, qu’elle fût dans une situation légale ou illégale, cela m’était indifférent, je la plaignais. M. Cuff me prit le bras, et m’emmena du côté de la route qu’il quittait.

« Que me voulez-vous ? lui dis-je, me dégageant et m’arrêtant au milieu du chemin.

— Je désire seulement vous demander quelques renseignements sur les environs. »

Je ne pouvais guère me refuser à contribuer à l’instruction géographique du sergent.

« Y a-t-il quelque sentier, dans cette direction, allant de la maison au rivage ? » demanda le sergent. Il désignait du doigt, comme il parlait, la sapinière qui menait jusqu’aux Sables-Tremblants.

« Oui, dis-je, il y a un chemin.

— Montrez-le-moi. »

Nous partîmes, côte à côte, par le crépuscule de cette soirée d’été, pour les Sables-Tremblants.


CHAPITRE XV


Le sergent garda le silence, absorbé dans ses réflexions, jusqu’à ce que nous nous trouvassions dans le bois de sapins. Là, il se secoua, comme un homme qui a pris un parti, et il m’adressa de nouveau la parole.

« Monsieur Betteredge, dit-il, puisque vous m’avez fait l’honneur de vous embarquer sous mes ordres, et dans ma barque, et que votre concours peut m’être précieux, je ne vois aucune raison pour continuer à nous tromper mutuellement ; je vais donc vous donner pour ma part l’exemple de