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diablesses (passez-moi l’expression, car laquelle employer pour qualifier une paire d’esprits haineux comme les leurs !) étaient montées sans bruit et à plusieurs reprises dans l’après-dînée de jeudi ; elles avaient essayé d’ouvrir la porte de la chambre de Rosanna et l’avaient trouvée fermée à clé ; elles s’étaient mises à frapper ; pas de réponse ; puis à écouter, mais sans entendre le moindre bruit.

Lorsque Rosanna descendit, nerveuse et hors d’elle-même, et qu’elle fut forcée de retourner se coucher, nos deux démons avaient recommencé leur manège à la porte sans plus de succès ; alors elles regardèrent par le trou de la serrure et la trouvèrent bouchée ; puis à minuit, elles virent une lueur qui se projetait par-dessous la porte, et entendirent les craquements de la flamme vers quatre heures du matin. (Je laisse à vos réflexions ce que vous penserez d’un feu à cette heure-là, dans le mois de juin et chez une servante !)

Elles avaient communiqué tout cela au sergent, qui, en retour de leur empressement à l’éclairer, les avait regardées de travers, et ne leur avait pas dissimulé qu’il ne les croyait ni l’une ni l’autre.

C’était là la cause des impressions hostiles que ces deux femmes avaient manifestées à leur sortie de l’interrogatoire ; et je devais à leur colère, aidée de l’influence du thé, la promptitude avec laquelle elles m’apprirent tous leurs griefs contre M. Cuff.

Ayant acquis quelque expérience des habitudes cauteleuses du célèbre Cuff, et voyant son empressement à suivre à lui seul et en secret les promenades de Rosanna, je ne mis pas en doute qu’il jugeât inutile de laisser deviner aux deux femmes combien elles l’avaient secondé par leur bavardage.

Et bien lui en prenait ! car elles étaient précisément d’une espèce capable de se rengorger et de se vanter de l’importance donnée à leur témoignage, si le sergent s’y était prêté ; ce qui n’eût pas manqué de mettre Rosanna sur ses gardes.

J’allai prendre l’air par ce beau temps d’été, attristé pour notre pauvre housemaid, et inquiet de la tournure que les choses avaient prise.

Un peu plus tard, comme je me dirigeais vers le taillis, j’y