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cher la question sur place et à l’heure même. Choisissant alors, d’une manière caractéristique, le parti qui devait plus tôt lui ôter tout ennui, toute anxiété personnelle, il déclara, dans un soudain élan d’énergie, « qu’il n’avait pas la force de supporter de nouvelles violences, et que nous pourrions, sans qu’il y mît obstacle, faire tout ce qui nous plairait. »

M. Kyrle et moi nous descendîmes aussitôt pour rédiger de concert la formule d’une circulaire destinée à tous ceux des tenanciers qui avaient suivi les funérailles apocryphes, au nom de M. Fairlie. Ils étaient convoqués pour le surlendemain à Limmeridge-House. Un sculpteur de Carlisle reçut ordre en même temps d’expédier au cimetière de Limmeridge, un de ses ouvriers, afin d’effacer une inscription funéraire. M. Kyrle, qui devait coucher au château, se chargea d’obtenir que M. Fairlie apposât après lecture, au bas de ces diverses lettres, sa signature autographe.

J’employai à la ferme le jour d’intervalle qui m’était laissé, en rédigeant un précis historique de la « conspiration, » et j’y ajoutai un exposé de faits qui donnait le plus formel démenti au décès prétendu de Laura. Avant de le lire, le jour d’après, aux tenanciers assemblés, je soumis ces documents à M. Kyrle. Nous convînmes aussi de l’ordre dans lequel, à l’issue de cette lecture, nous ferions entendre les témoignages qui devaient la corroborer. Ceci réglé, M. Kyrle essaya de détourner la conversation sur les affaires de Laura. N’y connaissant rien, ne désirant y rien connaître, et doutant d’ailleurs qu’il approuvât, à son point de vue d’homme d’affaires, la détermination que j’avais crue devoir prendre par rapport à l’intérêt viager que ma femme possédait dans les dix mille livres léguées jadis à madame Fosco, je priai M. Kyrle de m’excuser si je m’abstenais de discuter avec lui ces questions. Je pus lui dire, en toute sincérité, qu’elles se trouvaient intimement associées à ces chagrins, à ces malheurs passés dont nous ne parlions jamais entre nous, et qu’il nous était instinctivement pénible de discuter avec des étrangers.