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Il était trop tard pour revenir sur nos pas. Déjà, préalablement à mon retour, le docteur s’était officieusement chargé, pour m’en épargner l’embarras, de faire enregistrer la mort à sa véritable date. Ma grande combinaison, irréprochable jusqu’alors, avait désormais son côté faible ; — nuls efforts de ma part ne pouvaient modifier le fatal événement du 25. Avec un mâle courage, je ne voulus plus songer qu’à l’avenir. Les intérêts de Percival et les miens étant encore en suspens, il n’y avait plus qu’à jouer la partie jusqu’au bout. Je repris mon calme impénétrable, — et je la jouai, cette partie.

Dans la matinée du 26, la lettre de Percival m’arriva qui annonçait l’arrivée de sa femme par le train de midi. Madame Rubelle m’écrivit aussi qu’elle suivrait dans la soirée. Je partis dans la voiture de remise, — laissant morte, chez moi, la fausse lady Glyde, — pour aller au-devant de la véritable, que le chemin de fer allait m’amener à trois heures. J’emportais avec moi, cachés sous le siège de la voiture, tous les vêtements qu’Anne Catherick avait sur elle en arrivant chez moi. — Ils devaient aider à faire ressusciter la femme qui venait de mourir dans celle qui vivait encore. Quelle situation !… Je me permets de la suggérer à la jeune génération de romanciers que l’Angleterre voit éclore. Je l’offre, comme tout à fait neuve, aux dramaturges épuisés de la belle France.

Lady Glyde était à la station. Il y avait beaucoup de foule, beaucoup de désordre, et il se passa plus de temps que je n’aurais voulu (quelqu’une de ses connaissances pouvait se trouver là par hasard) à réclamer, à retrouver ses bagages. Les premières questions qu’elle m’adressa, lorsque la voiture se mit en marche, furent pour me supplier de lui donner des nouvelles de sa sœur. J’en inventai de l’espèce la plus rassurante, lui promettant que, dès son arrivée chez moi elle reverrait Marian. Le « chez moi » dont je lui parlais ainsi était, pour cette seule occasion, dans le voisinage de Leicester-square, et il était occupé par M. Rubelle, qui nous reçut sous le vestibule.

Je fis monter ma visiteuse dans une chambre située au fond de la maison ; les deux médecins attendaient à l’étage