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préparer assez au désappointement qu’elle allait subir en entrant chez moi. Lorsque je la conduisis dans le salon, lorsqu’elle n’y vit personne autre que madame Fosco, laquelle lui était complètement inconnue, — elle laissa percer l’agitation la plus violente ; quand elle aurait flairé le danger dans l’air, comme un chien subodore la présence d’une personne qu’il ne voit pas, ses craintes n’eussent pu se manifester plus soudainement, ni d’une manière plus inexplicable. Ce fut en vain que je m’interposai. J’aurais encore pu, à la rigueur, apaiser l’alarme dont elle souffrait ; — mais cette grave maladie de cœur dont elle avait si fréquemment ressenti les atteintes, n’était point accessible aux palliatifs de l’ordre moral. À mon indicible horreur, elle fut prise de convulsions ; — ébranlement de tout le système qui, dans son état particulier, pouvait d’un moment à l’autre la coucher morte sous nos yeux.

On envoya chercher le médecin le plus proche, dont les services immédiats furent requis au nom de lady Glyde. Ce fut un grand soulagement pour moi de trouver en lui une véritable capacité. Je lui dépeignis ma visiteuse comme une personne faible d’esprit et fort sujette à d’étranges illusions ; je m’arrangeai, de plus, pour n’avoir d’autre garde que ma femme auprès de l’intéressante malade. L’infortunée, au surplus, était trop mal pour nous laisser la moindre inquiétude sur ce qu’elle pourrait dire. La seule crainte qui, en ce moment, pesât sur moi, c’était que la fausse lady Glyde ne vînt à mourir avant que la vraie lady Glyde ne fût arrivée à Londres.

J’avais écrit, dans la matinée, à madame Rubelle, pour lui demander devenir me joindre chez son mari, dans la soirée du vendredi 26 ; j’avais en même temps écrit à Percival de montrer à sa femme la lettre à elle adressée par M. Fairlie, de lui faire croire que Marian était partie en avant, et de me l’expédier en ville, par le train de midi, dans cette même journée du 26. En y réfléchissant, effectivement, j’avais compris à quel point il était nécessaire, vu l’état de santé d’Anne Catherick, de hâter les