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veaux), — et mistress Michelson fut un beau matin tout étourdie en apprenant, de la bouche même de son maître, que la maison entière allait être dispersée. Nous vidâmes le château de tous les domestiques, à l’exception d’une femme, indispensable pour le service quotidien, et dont l’incurable stupidité nous garantissait contre toute découverte embarrassante. Quand ils furent partis, il ne restait plus à éloigner que mistress Michelson, et ce résultat fut aisément obtenu, en priant cette obligeante dame d’aller chercher, sur la côte, un logement pour sa maîtresse.

Les circonstances, désormais, étaient — ce qu’il fallait qu’elles fussent ; lady Glyde, retenue dans sa chambre par des souffrances nerveuses ; et la servante inepte (j’ai oublié son nom), enfermée là toute la nuit, pour donner des soins à sa maîtresse ; Marian, quoiqu’en voie de convalescence rapide, gardant encore le lit, sous la surveillance de madame Rubelle ; dans le château, pas une autre créature vivante, si ce n’est ma femme, Percival et moi. Toutes les chances ainsi mises de notre côté, je fis face à la nécessité la plus immédiate, et je jouai le second coup de ma partie.

L’objet que j’avais alors en vue était d’amener lady Glyde à quitter Blackwater-Park, sans être accompagnée de sa sœur. À moins de lui persuader que Marian l’avait précédée dans le Cumberland, nous n’avions aucune chance de lui faire librement quitter le château. Pour produire dans son esprit cette conviction nécessaire, nous cachâmes notre intéressante malade dans un des appartements inhabités de Blackwater. Au milieu de la nuit, madame Fosco, madame Rubelle et moi (Percival n’ayant pas le sang-froid nécessaire pour qu’on pût se fier à lui), nous exécutâmes cette opération délicate. La scène était pittoresque, mystérieuse, dramatique au plus haut point. Le matin, on avait selon mes ordres dressé le lit sur un cadre solide et léger. Nous n’avions qu’à soulever ce cadre par ses deux extrémités, en évitant de lui imprimer la moindre secousse, pour transporter notre malade où il nous plairait, sans la déranger, elle ou son lit. Il n’était besoin pour cela d’aucune assistance chi-