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jusqu’à ce qu’il se trouvât englouti dans cette espèce d’avalanche amoncelée autour de son fauteuil. Les heures succédaient aux heures, — je continuai à veiller, assis, tandis qu’il continuait à écrire, assis comme moi. Jamais il ne s’arrêtait, si ce n’est, de temps à autre, pour avaler une gorgée de café ; puis, quand il n’y en eut plus, pour se frapper le front par un mouvement inspiré. Une heure, puis deux heures, puis trois, puis quatre sonnèrent l’une après l’autre, et la neige de petits papiers ne cessait de s’abattre autour de lui ; et la plume infatigable grattait incessamment les pages du haut en bas ; et le blanc chaos de manuscrit s’élevait, et s’élevait encore, aux pieds du fauteuil. À quatre heures du matin, j’entendis tout à coup un grincement de plume accompagné de quelques éclaboussures, le tout indiquant le paraphe mirifique dont la signature du comte était ornée. — Bravo ! s’écria-t-il, bondissant hors du fauteuil avec l’activité d’un jeune homme, et m’adressant un hardi regard qu’accompagnait le sourire de l’orgueil triomphant.

Voilà qui est fini, monsieur Hartright ! m’annonça-t-il en appliquant sur sa large poitrine un coup de poing réparateur ; fini à ma satisfaction profonde, — et à votre profonde surprise, j’ose le croire, quand vous lirez ce qui est écrit là. Le sujet me semble épuisé ; mais l’homme, — Fosco, — ne l’est pas encore. Je vais procéder au classement de ces feuilles et à leur lecture, celle-ci très-expressément réservée à vos oreilles, et à elles seules. Quatre heures viennent de sonner ? À merveille ! Arrangement, révision, lecture, de quatre à cinq. Un petit somme pour me remettre, de cinq à six. Dernières préparations, de six à sept. De sept à huit, l’affaire de l’agent. À huit heures, en route. Voilà le programme !…

Il s’assit, à ces mots, sur ses talons, par terre, au milieu de ses papiers ; armé d’un poinçon et d’un morceau de ficelle, il les mit en ordre et les réunit ; puis il les revisa, et en tête de la première page, prit soin d’inscrire tous les titres honorifiques qui relevaient à ses yeux son mérite personnel ; enfin, il me lut le manuscrit, à voix haute, avec une emphase théâtrale et une profusion de