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cependant, ouvrit le tiroir de la table et s’y glissa sans bruit. Le frottement de quelque objet pesant qu’il y remuait sans que je pusse le voir, bruit un instant, puis cessa. Le silence qui suivit fut tellement complet que l’imperceptible grignotement des souris blanches qui mordillaient les fils de fer de leur prison arrivait distinctement jusqu’à mes oreilles.

Ma vie ne tenait qu’à un fil, — et je le savais. À ce moment suprême, je pensais avec son esprit, je touchais avec ses doigts ; — je savais parfaitement, comme si je l’eusse vu, ce que le tiroir dérobait à mes yeux.

— Ne vous pressez pas, lui dis-je. Vous avez fermé la porte ; — vous voyez que je ne bouge point ; — vous voyez que mes mains sont vides. Ne vous pressez pas ! j’ai encore quelque chose à dire.

— Vous en avez dit assez, répliqua-t-il avec une tranquillité soudaine, si peu naturelle et si effrayante qu’elle me porta sur les nerfs, comme n’aurait pu le faire aucun éclat de violence… Permettez-moi, je vous prie, de me recueillir un moment. Devinez-vous à quoi je pense ?

— Peut-être bien.

— Je me demande, reprit-il avec une tranquillité parfaite, si je dois ajouter au désordre de cette chambre, en dispersant votre cervelle autour de la cheminée…

Eussé-je bougé, dans ce moment, je lisais sur sa physionomie qu’il aurait, sans balancer, exécuté sa menace.

— Je vous conseille, lui répliquai-je à mon tour, de lire, avant que cette question soit finalement décidée, deux lignes écrites que j’ai sur moi…

Cette proposition parut exciter sa curiosité. Il y adhéra par un mouvement de tête.

Je tirai de mon portefeuille l’accusé de réception que m’avait envoyé Pesca ; sans faire un pas, je le tendis au comte, et repris ensuite, devant la cheminée, mon attitude première.

Il lut à voix haute ce qui était écrit : « Votre lettre est reçue. Si je ne vous vois pas avant l’heure indiquée, je romprai le cachet au coup de l’horloge. »