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J’ai dit que je n’avais aucun doute sur les intentions qu’avait eues le comte en s’échappant du théâtre. Comment en aurais-je douté, quand je l’avais vu, de mes propres yeux, se croire reconnu par Pesca malgré tous les changements survenus dans son extérieur, et s’estimer, par conséquent, en danger de mort. Si donc je pouvais, ce soir-là même, avoir une entrevue avec lui, si je pouvais lui montrer que, moi aussi, je savais sa vie en péril, quel en serait le résultat ? Tout simplement celui-ci : l’un de nous serait maître de la situation ; l’un de nous serait inévitablement à la merci de l’autre.

Je me devais à moi-même de réfléchir aux chances contraires avant de les affronter ; je devais à ma femme de faire tout ce qui dépendrait de moi pour amoindrir le péril.

Les chances contraires n’appelaient pas une bien longue énumération ; elles se confondaient toutes en une seule. Si le comte venait à découvrir, par mon propre aveu, que pour assurer son salut, sa plus simple ressource était de m’ôter la vie, il était bien le dernier homme du monde qui dût hésiter à me prendre en traître, me tenant sans témoins à sa discrétion. Les seuls moyens de défense que je pusse employer contre lui pour diminuer le péril, s’offrirent assez clairement à mon esprit après quelques moments de réflexion sérieuse. Préalablement à la déclaration de guerre que j’allais lui porter, et à la menaçante découverte dont j’allais personnellement l’informer, il fallait loger cette découverte en tel lieu qu’il pût immédiatement en être fait usage contre lui, et qu’elle demeurât à l’abri de toutes ses tentatives pour l’anéantir. Si, avant de me placer à sa portée, je creusais la mine sous ses pieds et si une tierce personne était par moi chargée d’y mettre le feu à l’expiration d’un certain délai, à moins d’avoir reçu avis contraire ou de ma propre main ou de ma propre bouche, — évidemment, alors, la sécurité du comte dépendrait tout à fait de la mienne, et, même dans sa maison, même à sa merci, je pourrais conserver sur lui la haute main.

Quand cette idée me vint, j’étais près du nouveau do-