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— Vous ne savez rien des motifs qui m’ont fait quitter l’Italie, commença-t-il, si ce n’est que, de près ou de loin, ils tiennent à la politique. Si j’avais été simplement poussé dans ce pays par les persécutions de mon gouvernement, je n’aurais caché ces motifs ni à vous ni à personne. J’ai dû les dissimuler, au contraire, parce qu’aucune autorité régulière n’a prononcé contre moi la sentence d’exil. Vous avez entendu parler, Walter, des sociétés politiques cachées dans toute grande cité du continent européen ? J’appartenais, en Italie, à l’une de ces sociétés ; — en Angleterre, je lui appartiens encore. Quand je suis venu en ce pays, je suis venu par ordre de mon chef. J’exagérais le zèle, dans le feu de ma jeunesse. Je courais le risque de me compromettre, et de ne pas me compromettre seul. Pour cette raison, j’eus ordre d’émigrer en Angleterre et d’y attendre qu’on disposât de moi. J’ai obéi, — j’ai attendu, — j’attends encore. Demain, je puis être appelé au dehors. Dans dix ans, je cours même chance. Pour moi, c’est tout un ; — je suis ici, je vis du produit de mes leçons, et j’attends le signal. Je ne viole, du reste, aucun serment (vous allez tout à l’heure savoir pourquoi) en complétant ma confidence par le nom de la société à laquelle j’appartiens. Seulement, je mets ma vie à votre disposition. Si d’autres savent jamais que mes lèvres ont articulé ce que je vous dis aujourd’hui, aussi vrai que nous voilà maintenant assis l’un près de l’autre, je suis un homme perdu !…

Ce qu’il ajouta fut murmuré à mon oreille. Je garde le secret qu’il me communiqua ainsi. L’association dont il faisait partie sera très-suffisamment particularisée, pour le but dans lequel ces pages sont écrites, si je la désigne simplement, dans les rares occasions où il devra être question d’elle, parle nom de « la Fraternité ».

— L’objet de la Fraternité, continua Pesca, est le même en somme, que celui des autres sociétés politiques du même ordre : — la destruction de la tyrannie et la revendication du droit des peuples.

La Fraternité repose sur deux principes. Aussi long-