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à monter, et ensuite, plus attentivement encore, suivant la direction imprimée par moi aux regards de Pesca, il se mit à examiner le comte. Notre conversation était peut-être arrivée à ses oreilles, et il se pouvait, — ceci me frappa, — qu’elle eût éveillé sa curiosité.

Cependant Pesca tenait ses yeux ardemment fixés sur cette large face, pleine et souriante, qui, exactement placée devant lui, continuait à regarder en l’air.

— Non, dit-il enfin ; je n’ai, de ma vie, arrêté mes deux yeux sur ce gros bonhomme…

Tandis qu’il parlait, le regard du comte s’abaissa vers les baignoires placées derrière nous, presque au niveau du parterre.

Les regards des deux Italiens vinrent à se rencontrer.

L’instant d’avant, je venais de me convaincre, d’après ses assertions réitérées, que Pesca ne connaissait point le comte. L’instant d’après, je fus tout aussi convaincu que le comte connaissait Pesca.

Il le connaissait ; et, phénomène bien plus étrange, il le redoutait aussi. Nul moyen de se méprendre sur le changement que subit le visage de ce misérable. Les teintes plombées qui modifièrent en un moment sa peau jaune et bilieuse, la rigidité soudaine de tous ses traits, l’examen furtif auquel s’appliquèrent ses yeux d’un gris froid, l’immobilité qui l’envahit de la tête aux pieds, autant de circonstances révélatrices. Une terreur mortelle s’était emparée de lui, corps et âme ; et la cause de cette terreur, c’était bien évidemment qu’il avait reconnu Pesca.

L’individu à la taille mince, à la cicatrice sur la joue, était toujours dans notre voisinage immédiat. De l’effet que la vue de Pesca venait de produire sur le comte, il semblait avoir tiré ses conclusions, tout comme j’avais tiré les miennes. C’était un homme de manières douces et courtoises, qu’on pouvait croire étranger, et l’intérêt qu’il paraissait prendre à nos démarches ne se manifestait par aucun symptôme extérieur dont nous eussions à nous formaliser.

Pour ma part, j’étais étourdi du brusque changement survenu dans la physionomie du comte, stupéfait du