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— Comment peut-elle devenir plus forte ? demanda-t-elle.

— Je vous le dirai, lui répondis-je, quand le temps sera venu ; il ne l’est pas encore, et peut-être ne viendra-t-il jamais. Je n’en parlerai peut-être jamais à Laura, et, pour le présent, il faut que je me taise, même vis-à-vis de « vous », jusqu’à ce que je sois certain que je puis m’expliquer honorablement et sans nuire à personne. Quittons ce sujet ; il en est un autre qui réclame plus impérieusement notre attention. Vous avez tenu Laura, et par ménagement pour elle, dans l’ignorance de la mort de son mari…

— Oh ! Walter ! il se passera longtemps, à coup sûr, avant que nous puissions la lui révéler.

— Non, Marian : mieux vaut la lui annoncer dès aujourd’hui que de hasarder quelque accident qui, sans que nous ayons pu l’empêcher, la lui ferait connaître dans l’avenir et d’une manière inattendue. Épargnez-lui tous les détails ; mettez-y toute sorte de ménagements, mais dites-lui qu’il n’est plus.

— Vous avez sans doute, Walter, outre la raison que venez de me dire, quelque motif pour souhaiter qu’elle sache la mort de son mari.

— C’est vrai.

— Une raison se rattachant à ce sujet que nous ne devons pas traiter encore ?… et dont, peut-être, Laura n’entendra jamais parler ?…

Elle insista sur ces derniers mots d’une manière significative. J’y insistai de même, en lui répondant affirmativement.

Son visage pâlit ; pendant un moment, elle arrêta sur moi un long regard où s’exprimaient à la fois un intérêt mélancolique, et un peu d’embarras. Une tendresse inaccoutumée frémissait dans ses yeux noirs et atténuait la coupe rigide de ses lèvres, tandis qu’elle jetait un regard furtif sur le fauteuil vide où s’asseyait naguère la chère compagne de toutes nos joies et de tous nos chagrins.

Je crois comprendre, dit-elle, et je pense, en effet, que je lui dois, ainsi qu’à vous, Walter, de lui apprendre la mort de son mari…