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pour lui faire partager mon envie de déménager au plus vite. Elle voulut m’aider elle-même à mettre en paquets tous vos instruments de travail, et à les ranger ici dans votre nouvel atelier.

— Comment avez-vous eu l’idée de vous en venir de ce côté ?

— C’est tout simplement, faute de mieux connaître les environs de Londres dans toute autre direction. Je comprenais la nécessité de m’éloigner autant que possible de notre ancien logement, et je connaissais un peu Fulham, pour y avoir jadis été en pension. J’envoyai un messager chargé d’un billet, pour le cas où le pensionnat existerait encore. Effectivement, il existait ; les filles de mon ancienne maîtresse le dirigeaient en son lieu et place ; et, d’après les instructions que j’avais envoyées, elles retinrent pour moi ces appartements. Quand le messager fut de retour, m’apportant la nouvelle adresse, je n’avais plus que le temps bien juste de vous prévenir par la poste. Nous partîmes après la tombée de la nuit, nous arrivâmes ici sans avoir été le moins du monde observées. Ai-je bien agi, Walter ? ai-je justifié votre confiance en moi ?

Je mis dans ma réponse toute la chaleureuse reconnaissance que je ressentais. Mais tandis que je parlais, j’observai sur sa figure une inquiétude persistante ; et la première question qu’ensuite elle m’adressa fut relative au comte Fosco.

Je vis qu’elle l’envisageait, à présent, avec de nouvelles dispositions. Je ne l’entendis plus éclater contre lui en paroles irritées ; je ne l’entendis plus me conjurer de hâter le jour où il rendrait compte de ses méfaits. Sa conviction que cet homme était sincère dans la haïssable admiration qu’il professait pour elle, semblait avoir centuplé la méfiance qu’elle avait de son insondable ruse, la crainte instinctive que lui inspiraient l’énergie, la vigilance perverses de toutes ses facultés.

Elle parlait d’une voix plus faible, ses gestes étaient hésitants, ses regards interrogeaient les miens avec une crainte palpitante, lorsqu’elle me demanda ce que je pen-