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ne pouvais m’expliquer l’effet discordant, en présence de cette charmante jeune fille.

Se mêlant à la vive impression que produisaient sur moi ce blond et charmant visage, cette douce physionomie, cette attrayante simplicité de manières, je ne sais quelle idée confuse me suggérait vaguement qu’il manquait là « quelque chose. » Tantôt cette lacune me semblait être en « elle ; » tantôt c’était « à moi, » me disais-je, que quelque chose manquait pour la comprendre comme je l’aurais dû. Par une singulière contradiction, cette impression était toujours plus forte alors que miss Fairlie me regardait ; en d’autres termes, c’est quand j’avais le mieux conscience du charme et de l’harmonie de son visage, que je me sentais plus profondément troublé par cette idée qu’il manquait là quelque chose, quelque chose d’impossible à découvrir. — Incomplet, incomplet ! me répétais-je sans cesse, — et je n’aurais pu dire ce qui manquait, ni comment y remédier.

L’effet de ce singulier caprice d’imagination (c’est ainsi que j’en jugeais alors) n’était pas de nature à me mettre à mon aise, pendant une première entrevue avec miss Fairlie. Les quelques paroles de bienvenue qu’elle m’accorda me trouvèrent tout au plus assez maître de moi-même pour lui adresser les remercîments voulus. Remarquant mon hésitation, et l’attribuant sans doute, avec assez de vraisemblance, à quelque timidité passagère, miss Halcombe, toujours prête et de sang-froid, prit en main le dé de la conversation :

— Voyez donc, monsieur Hartright, dit-elle en me montrant l’album posé sur la table, et la délicate petite main qui déjà y cherchait une page blanche. Vous allez certainement reconnaître que vous avez enfin trouvé l’écolière modèle ? À peine a-t-elle appris que vous êtes des nôtres, elle saisit son précieux « sketch-book » et, contemplant la nature en face, elle brûle de commencer la lutte.

Miss Fairlie, en son humeur toujours sereine, poussa un léger éclat de rire, qui vint illuminer son joli visage,