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gnité. Ce mot « d’idiote » la bouleversa tout aussitôt. Avant que j’eusse pu intervenir, elle s’approcha de lui dans une noire colère : — Demandez-moi pardon sur-le-champ, lui dit-elle, ou vous vous en repentirez, je vous en réponds !… Je révélerai votre secret… Je n’ai qu’à ouvrir la bouche pour vous ruiner à jamais !… Mes propres paroles, monsieur Hartright, répétées exactement comme je les avais dites la veille, — répétées devant lui, comme si elles émanaient d’elle ! Il s’assit sans pouvoir parler, blanc comme le papier sur lequel j’écris, tandis que je la poussais hors de la chambre. Quand il fut à peu près remis…

Non ! Je suis une femme trop respectable pour répéter ce qu’il dit quand il eut retrouvé la parole. Ma plume est celle d’un membre de la Congrégation du Recteur, celle d’une personne qui a souscrit aux « Lectures du mercredi », sur la Justification par la Foi : — Ne pensez-vous pas que je vais l’employer à retracer ici un grossier langage ?… Supposez vous-même, pour votre édification, les blasphèmes enragés du plus ignoble coquin d’Angleterre, et arrivons ensemble, le plus promptement possible, au dénoûment de la scène.

Elle finit, cette fois, vous le devinez sans doute, par les pressantes instances qu’il m’adressa pour que, faisant enfermer ma fille, je lui garantisse ainsi, à lui, sa sécurité que j’avais compromise.

J’essayai de raccommoder les choses. Je lui dis qu’elle avait tout bonnement répété, comme une perruche, les expressions dont elle m’avait entendu me servir, et qu’elle ne connaissait aucuns détails quelconques, par la raison toute simple que je ne lui en avais jamais révélé un seul. Je lui expliquai que, dans sa rancune contre lui, elle avait feint de savoir ce qu’elle ne savait pas ; qu’elle voulait simplement le menacer et le punir, en l’inquiétant, de lui avoir parlé comme il l’avait fait ; et que mes désastreuses imprécations lui avaient tout justement fourni l’occasion d’atteindre le but où tendait sa rancune. Je lui rappelai mille autres étrangetés d’elle, et ce qu’il pouvait savoir des divagations que le hasard amène sur les