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Vous n’étiez, je suppose, qu’un fort petit garçon, dans la vingt-septième année de ce siècle. J’étais, à cette époque, une jeune et jolie femme, habitant, pour ses péchés, le Vieux-Welmingham. J’avais pour mari un méprisable imbécile. J’avais aussi l’honneur d’être en relations (à quel titre, n’y prenez pas garde) avec un certain gentleman (et lequel, cela ne vous concerne en rien). Je ne le désignerai point par son nom. Et pourquoi, puisque ce nom n’était pas le sien ? Jamais il n’a eu de nom à lui. Vous le savez, à cette heure, tout aussi bien que moi.

Il est plus à propos de vous dire comment il s’insinua dans mes bonnes grâces. J’étais née avec les instincts d’une grande dame, et il les flatta de son mieux. En d’autres termes, il vanta ma beauté, il me fit des cadeaux. Nulle femme ne sait résister à l’admiration et aux cadeaux ; aux cadeaux, surtout, pourvu qu’on lui offre à propos les choses qu’elle désire le plus. Il était assez subtil pour savoir cela ; — presque tous les hommes le savent, à ce que je crois. Naturellement en retour, il demandait quelque chose ; — tous les hommes en sont là. Et ce quelque chose, que pensez-vous que ce fût ? La plus insignifiante bagatelle du monde : tout bonnement, la clef de la sacristie et la clef de l’armoire placée à l’intérieur d’icelle, un jour où mon mari ne serait pas là. Il va sans le dire, qu’il me répondit par un mensonge, quand je lui demandai pourquoi il avait besoin de ces clefs, et de les recevoir en si grand secret. Il aurait pu s’épargner cette peine ; je me gardai bien de le croire. Mais je tenais aux présents qu’il m’avait faits, et je désirais qu’il m’en fît d’autres. Aussi, je lui remis les clefs sans que mon mari le sût, et je l’épiai, lui, sans qu’il s’en doutât davantage. Une fois, deux fois, quatre fois, je le guettai ; — à la quatrième, je sus de quoi il s’agissait.

Je n’étais pas extraordinairement scrupuleuse en ce qui concernait les affaires d’autrui ; et je ne m’inquiétai guère de le voir insérer un acte de mariage dans le registre pour son compte et profit particulier.

Je savais, naturellement, que c’était mal ; mais cela ne me nuisait en rien ; excellente raison pour n’en pas faire