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étaient fixés sur mon visage, exprimant une attente silencieuse. Je n’ignorais pas ce que j’avais à mes pieds ; je n’ignorais pas pourquoi ils tenaient leur lanterne au ras du sol.

— Pouvez-vous, monsieur, témoigner de son identité ?…

Mon regard s’abaissa lentement. Il ne rencontra d’abord qu’un grossier lambeau de toile cirée. Le silence était tel qu’on entendait la pluie qui tombait dessus goutte à goutte. Le long de cette espèce de paquet informe, mon regard remontait toujours ; et là, tout au bout, roide, contracté, noirci, sous une lumière jaune et sinistre, — là, m’apparut le visage du mort.

Ainsi le vis-je pour la première et dernière fois. La volonté d’en haut avait décrété que nous nous trouverions ainsi, face à face.


XI


On pressa l’enquête pour quelques raisons d’utilité locale qui parurent déterminantes au « coroner » et aux autorités de la ville. La séance fut tenue dans l’après-midi du lendemain. J’étais nécessairement au nombre des témoins assignés.

Ma première démarche, dans la matinée, fut d’aller prendre à la poste la lettre que j’attendais de Marian. Aucun changement de circonstances, si extraordinaire qu’il fût, n’avait prise sur cette anxiété profonde qui me serrait le cœur aussi longtemps que je restais hors de Londres. Cette lettre du matin, qui me rassurait seule contre toutes les périlleuses éventualités de mon absence, était encore, dès mon réveil, ma plus absorbante préoccupation…

À mon grand soulagement, la lettre de Marian m’attendait dans les bureaux.

Aucun malheur n’était arrivé ; — mes deux amies