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constatait le mariage de l’homme qui portait mon nom de baptême. Au-dessous se trouvait un espace laissé en blanc ; laissé bien évidemment ainsi, parce qu’il était trop peu considérable pour renfermer la mention du mariage des deux frères, laquelle, dans la copie comme dans l’original, occupait les premières lignes de la page suivante. Cet espace blanc révélait, à lui seul, tout ce qui s’était passé ! Il avait dû rester ainsi, dans le registre de paroisse, depuis l’année 1803 (où les mariages en question avaient été célébrés, et la copie exécutée) jusqu’à l’année 1827, époque où sir Percival parut à Welmingham. Ici, à Knowlesbury, se voyait, sur la copie, la chance qui s’était offerte à lui de commettre le faux ; — et là-bas, au Vieux-Welmingham, sur le registre de l’église, s’étalait le faux lui-même !

Je me sentais gagner par des étourdissements, et, pour ne pas tomber, je dus me tenir au pupitre. De tous les soupçons qui m’avaient assiégé au sujet de ce désespéré, pas un n’approchait du vrai ; jamais il ne m’était venu à la pensée qu’il pût n’être pas le moins du monde sir Percival Glyde, et n’avoir pas plus de droits à la baronnie ou à la propriété de Blackwater-Parck que le plus pauvre laboureur employé sur le domaine. Dans un temps, j’avais pensé qu’il pouvait bien être le père d’Anne Catherick ; dans un autre, qu’il pouvait bien être le mari d’Anne Catherick ; — mais le crime dont en réalité il s’était rendu coupable, mon imagination, dans son vol le plus hardi, n’en avait jamais approché.

Les misérables moyens par lesquels la fraude avait dû s’effectuer, la grandeur et l’audace du crime qu’elle impliquait, l’horreur des conséquences que sa découverte devait entraîner : toutes ces considérations m’accablaient à la fois. Comment s’étonner, maintenant, de cette agitation toute brutale au sein de laquelle ce malheureux passait sa vie ; de ces alternatives désespérées entre une duplicité abjecte et une violence sans frein ; de cette méfiance folle, inspirée par le remords, qui lui avait fait emprisonner Anne Catherick à l’hospice, et plus tard, l’avait fait entrer dans un ignoble complot contre sa