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La domestique rentra de nouveau dans le salon, de nouveau revint me trouver, et, cette fois, non sans un regard d’étonnement douloureux, me pria d’entrer.

Les murailles de la petite pièce où je pénétrai étaient tapissées d’un papier à ramages de la plus grande dimension et des couleurs les plus « tapageuses ». Fauteuils, tables, chiffonnier, sofa, tout reluisait de cet éclat glutineux particulier aux meubles de pacotille. Sur la plus grande table, au centre de la pièce, et reposant au milieu même de cette table, sur un coussin de tricot jaune et rouge, était une Bible somptueusement reliée ; à côté d’une autre table, la plus rapprochée de l’unique fenêtre, ayant sur les genoux un panier à ouvrage, et accroupi à ses pieds un vieil épagneul asthmatique et chassieux, se tenait une femme âgée, dont un bonnet de filet noir couvrait la tête ; habillée, d’ailleurs, d’une robe de soie noire, et cachant à moitié ses mains sous des mitaines, couleur d’ardoise. Ses cheveux gris de fer tombaient en lourds bandeaux sur les deux côtés de son visage ; ses yeux noirs regardaient droit en avant avec une fixité dure, méfiante, implacable. Elle avait les joues pleines, le menton allongé et les lèvres épaisses, sensuelles, dépourvues de coloris. Sa taille était forte et robuste, son attitude empreinte d’un sang-froid agressif. Telle était mistress Catherick.

— Vous êtes venu me parler de ma fille, me dit-elle, sans me laisser le temps d’articuler un seul mot. Ayez la bonté de m’expliquer ce que vous avez à me dire…

L’accent de sa voix était aussi dur, aussi méfiant, aussi implacable que l’expression de son regard. Elle m’avait indiqué un fauteuil, et me regarda très-attentivement de la tête aux pieds pendant que j’y prenais place. Je ne me vis d’autre chance, avec une pareille femme, que de régler mon langage sur celui qu’elle avait adopté, de la suivre, dès le début de l’entretien, sur le terrain qu’elle avait choisi.

— Vous savez, lui dis-je, qu’on a perdu les traces de votre fille ?