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passais, semblaient me répondre d’un commun accord : — Les déserts de l’Arabie n’ont rien de commun avec notre désolation civilisée ; les vieilles ruines de la Palestine n’atteindront jamais à notre tristesse, qui date d’hier.

Je me fis indiquer le chemin du quartier où habitait mistress Catherick. En y arrivant, je me trouvai dans un square formé par des maisonnettes uniformes, hautes d’un étage. Il y avait au milieu un lambeau de pelouse dénudée que protégeait mal un grillage économique en fil de fer. Une vieille bonne et deux enfants, debout à un angle du petit enclos, contemplaient une chèvre étique dont l’errante humeur était contrariée par des entraves. Deux promeneurs à pied causaient nonchalamment sur un des côtés du trottoir établi devant les maisons, et sur l’autre, un petit garçon oisif traînait en laisse, au bout d’une ficelle, un petit chien non moins désœuvré. J’entendais, dans le lointain, le tapotement monotone d’un piano, et, en guise d’accompagnement, le choc intermittent d’un marteau beaucoup plus rapproché de moi. Voilà par quels aspects et par quels bruits la vie se révélait à moi, lorsque je débouchai dans le square.

J’allai directement à la porte du numéro treize, — le numéro de mistress Catherick, — et j’y frappai sans prendre le temps de réfléchir d’avance à la manière dont je me présenterais, une fois entré. Il fallait d’abord voir mistress Catherick. Je pourrais ensuite apprécier, d’après mes propres observations, le mode le plus simple et le plus sûr d’aborder la question qui m’amenait.

La porte fut ouverte par une servante, déjà mûre et d’une physionomie mélancolique. Je lui remis ma carte, en lui demandant si je pouvais voir mistress Catherick. Cette fille porta mon nom dans le salon donnant sur la rue, et revint me prier de faire connaître l’objet de ma visite.

— Dites, s’il vous plaît, lui répondis-je, que ma visite a pour objet la fille de mistress Catherick… Je ne trouvai pas de meilleur prétexte, sous le coup de la nécessité, pour expliquer ma venue.