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— Donc, monsieur, continua mistress Clements, Catherick suivit les conseils de mon mari, et attendit ce qui allait advenir. Ainsi que je vous l’ai déjà dit, son attente ne fut pas longue. Dès le second jour, il trouva sa femme et sir Percival qui causaient ensemble, à voix basse, le plus familièrement du monde, tout contre la sacristie de l’église. Je suppose que le voisinage de la sacristie leur avait paru le dernier endroit où on dût s’aviser de les venir épier ; — quoi qu’il en soit, c’est là qu’ils étaient. Sir Percival, surpris en apparence et troublé, se défendit si mal des imputations et des reproches à lui adressés, que le pauvre Catherick (je vous ai dit la vivacité de son caractère) perdit en quelque sorte la tête en face de son infortune ; il se rua sur sir Percival. Mais il n’était pas (je suis fâchée de le dire) de force à lutter contre l’homme qui lui avait fait tort ; il fut battu de la manière la plus cruelle, avant que les voisins, accourus au bruit, eussent eu le temps de les séparer. Tout ceci se passa aux approches de la soirée et avant la tombée de la nuit. Quand mon mari se rendit chez Catherick, celui-ci était déjà parti, sans que personne sût pour où. Pas une âme dans le village ne l’a jamais revu depuis. Il ne connaissait que trop bien, cette fois, l’ignoble motif qui avait décidé sa femme à l’épouser ; et il ressentait trop vivement sa disgrâce, — surtout après ce qui lui était arrivé avec sir Percival, — pour reparaître dans les lieux qui en avaient été témoins. Le pasteur de la paroisse fit mettre dans les journaux un avis par lequel il le priait de revenir, l’assurant qu’il ne perdrait ni sa place, ni l’estime de ses connaissances. Mais Catherick avait trop de fierté, disaient quelques-uns, — trop de chagrin, à ce que je crois, monsieur, — pour affronter les regards de ses voisins, et laisser s’user à la longue le souvenir de sa honte. Mon mari eut de ses nouvelles au moment où le malheureux quitta l’Angleterre ; il en eut encore, pour la seconde fois, lorsque Catherick fut établi en Amérique, où il paraissait prospérer. Pour autant que je sache, il y vit encore ; mais personne de ses anciens compatriotes, — et, moins que