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mettre à ma disposition… Quoi encore ? — Voyons ?… n’est-ce pas curieux ?… j’avais encore beaucoup à vous dire, et tout cela, j’imagine, m’est sorti de la tête… Seriez-vous assez bon pour sonner ?… Là, dans ce coin !… oui… Mille grâces !…

Je tirai la sonnette, et un valet de chambre, que je n’avais pas encore vu, fit son entrée sans le moindre bruit, — un étranger, sans doute, les cheveux lisses, l’air souriant, — vrai valet de la tête aux pieds.

— Louis, dit M. Fairlie, qui, dans un accès de distraction, se frottait les ongles avec une de ces brosses microscopiques naguère au service de ses médailles, j’ai pris ce matin quelques notes sur mes tablettes… Trouvez mes tablettes !… Un million de pardons, monsieur Hartright, j’ai bien peur de vous ennuyer…

Comme avant que j’eusse pu répondre, il avait déjà refermé les yeux, — et attendu qu’en réalité il m’ennuyait fort, — je demeurai muet sur mon siège, contemplant à loisir la « Madone » de Raphaël. Cependant, le valet avait quitté la chambre, où il revint peu après, apportant un carnet relié en ivoire. M. Fairlie, qui s’accorda tout d’abord le soulagement d’un léger soupir, ouvrit d’une main le petit volume, tandis que de l’autre il tenait levée la brosse à médailles, indiquant par là au valet de chambre qu’il devait attendre de nouveaux ordres.

— Oui… c’est cela, poursuivit M. Fairlie, consultant ses tablettes… Louis, descendez ce portefeuille !… — Il montrait, ce disant, plusieurs portefeuilles placés près de la fenêtre sur des rayons d’acajou… — Non ! pas celui qui a le dos vert… Celui-là, monsieur Hartright, renferme mes « eaux fortes » de Rembrandt… Aimez-vous les « eaux fortes ?… » Oui ?… Charmé que nous ayons encore ce goût en commun… Le dos rouge !… Ne le laissez pas tomber !… Vous ne vous doutez pas, monsieur Hartright, du supplice que j’endurerais si Louis laissait tomber ce portefeuille. Est-il solidement installé sur le fauteuil ?… L’y croyez-vous solide, monsieur Hartright ?… Oui ?… Enchanté. Faites-moi le plaisir d’examiner les dessins, maintenant qu’à votre avis, il n’y a plus de risque… Lais-