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m’avait nullement abattu. C’est uniquement par devoir que je l’avais tentée et, dans le fond, je n’en attendais rien. Les dispositions de mon esprit étaient telles, à ce moment, que je trouvais une sorte de soulagement à voir la lutte, circonscrite maintenant entre moi et sir Percival Glyde, devenir une simple question de force relative. À mes autres mobiles, infiniment meilleurs, s’était toujours mêlé un âpre besoin de vengeance ; et j’avoue que c’était une joie pour moi, de penser que le plus sûr moyen, — l’unique moyen, — de servir les intérêts de Laura, était de tenir à ma discrétion le misérable qui l’avait épousée.

S’il me faut reconnaître que je n’avais pas la force de soustraire ma conduite à l’impulsion de ces instincts vindicatifs, je puis du moins, et en toute loyauté, me rendre d’autre part un témoignage favorable. Aucun vil calcul touchant les rapports que l’avenir pouvait amener entre Laura et moi, ou les concessions personnelles et secrètes que je pourrais arracher à sir Percival, si une fois je l’avais à ma merci, n’entra jamais dans ma pensée. Jamais je ne me dis à moi-même : — « Si je l’emporte, un des résultats de ma victoire sera de mettre son mari hors d’état de me l’enlever jamais. » Je ne pouvais ni l’envisager, elle, ni songer à l’avenir avec des idées de cet ordre. Les changements qui avaient fait d’elle, en quelque sorte, une autre Laura, désintéressaient mon amour et en faisaient une tendresse épurée, une sainte compassion, telles que son père et son frère eussent pu les ressentir. Dieu sait que mes espérances n’allaient jamais au delà du jour où elle serait complètement rendue à elle-même. La revoir forte et heureuse comme jadis, recevoir d’elle ses bons regards d’autrefois, l’entendre me parler comme autrefois, c’étaient là tous mes vœux, tout mon espoir.

Je ne trace pas ces lignes, absorbé dans une vaine contemplation de moi-même. Certains passages, dans ce récit, vont bientôt appeler le jugement d’autrui sur ma conduite. Il est juste, il est à propos qu’on ait d’avance mis en regard ce qu’il y a de meilleur et de pire en moi.

Dans la matinée qui suivit mon retour du Hampshire,