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dant jusqu’au bout, et, lorsque j’y fus parvenu, je lui posai hardiment la question la plus essentielle de toutes.

— Quelle est votre opinion, monsieur Kyrle ?…

Il était trop prudent pour s’aventurer à répondre sans prendre le temps, auparavant, de recouvrer pleine possession de lui-même.

— Avant de donner mon opinion, dit-il, je vous demande la permission de déblayer le terrain par quelques questions…

Et il posa, d’un ton soupçonneux, incrédule, ces questions qui, par leur aigre précision, me prouvèrent qu’il me croyait la victime d’une fraude ; et que même, si je ne lui eusse été adressé par miss Halcombe, il m’aurait volontiers soupçonné de chercher personnellement à organiser une habile mystification.

— Croyez-vous que j’aie dit la vérité, monsieur Kyrle ? lui demandai-je, quand il eut cessé de m’examiner.

— En tant qu’il s’agit de vos propres convictions, me répondit-il, j’en suis parfaitement sûr. J’ai la plus haute estime pour miss Halcombe ; j’ai dès lors toute raison de porter respect à un gentleman qu’elle choisit pour médiateur dans une affaire aussi délicate. J’irai même bien plus loin, si vous voulez : j’admettrai, pour mettre à la fois plus de courtoisie et de clarté dans la discussion, j’admettrai que l’identité de lady Glyde, comme personne vivante, est un fait complètement démontré pour miss Halcombe et pour vous ; mais vous venez me demander une opinion juridique. Comme avocat, et seulement comme avocat, je dois vous dire, monsieur Hartright, que vous n’avez pas l’ombre d’un droit.

— Vous formulez votre opinion, monsieur Kyrle, d’une manière bien absolue.

— Il ne dépendra pas de moi qu’elle ne vous devienne claire, au même degré. Les preuves de la mort de lady Glyde sont, d’après tout ce que l’on peut voir, parfaitement claires et suffisantes. Pour établir qu’elle est venue chez le comte Fosco, qu’elle y est tombée malade, et qu’elle y est morte, on a le témoignage de sa tante. Pour établir le décès, et montrer qu’il a eu lieu par suite de circons-