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faire faire à Laura sa promenade habituelle, et de l’installer ensuite devant son dessin. Au moment où je m’apprêtais à quitter la chambre, elle leva les yeux sur moi, et je lus dans sa physionomie une sorte d’inquiétude inaccoutumée ; ses mains ensuite commencèrent, comme autrefois, à errer vaguement parmi les pinceaux et les crayons qui encombraient la table.

— N’est-ce pas, me dit-elle, que vous n’êtes pas encore fatigué de moi ? ce n’est pas pour cela que vous me quittez ? Je tâcherai de mieux faire, je tâcherai de me porter mieux. Vous suis-je aussi chère qu’autrefois, Walter, maintenant que me voilà si pâle, si maigre, et si lente à faire des progrès ?…

Elle disait exactement ce qu’un enfant eût pu dire, et me laissait lire dans sa pensée avec une candeur d’enfant. Je restai quelques minutes de plus : — je restai pour lui dire à quel point elle m’était plus chère, maintenant, qu’à aucune autre époque du passé : — Tâchez de vous rétablir, lui dis-je, encourageant le nouvel espoir que je voyais se faire jour dans son esprit. Tâchez de vous rétablir pour Marian et pour moi.

— Oui, se disait-elle, revenant à son dessin. Je tâcherai, parce qu’ils m’aiment bien tous les deux. Puis, relevant tout à coup la tête : — Ne soyez pas longtemps ! ajouta-t-elle. Mon dessin ne va pas vite, Walter, quand vous n’êtes pas là pour m’aider.

— Je reviendrai bientôt, chère enfant, je reviendrai bientôt, pour m’assurer que cela marche…

Ma voix, malgré moi, faiblit un peu. Je dus me contraindre pour quitter la chambre. Mais ce n’était pas le moment de renoncer à cet empire sur moi-même qui, dans le cours de cette même journée, pouvait m’être encore si utile.

En ouvrant la porte, je fis signe à Marian de me suivre sur l’escalier. Il fallait la préparer à une des conséquences que devaient avoir, tôt ou tard, je le sentais bien, mes allées et venues, à front découvert, dans les rues de Londres.

— Je serai de retour dans quelques heures, selon toute