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trefois chargée de veiller sur la véritable Anne Catherick avait été regardée comme responsable de l’évasion de cette malade (bien qu’elle n’eût encouru à ce sujet aucun blâme), et qu’elle en avait été punie par la perte de sa place. La même pénalité serait encourue, ajoutait-on, par la personne qui donnait ces détails, si celle qu’on croyait être Anne Catherick venait à s’évader encore ; or, dans ce cas particulier, la gardienne était spécialement intéressée à conserver son emploi. Un mariage était convenu pour elle. Les deux futurs attendaient, pour en finir, d’avoir pu réaliser en commun deux ou trois cents livres sterling d’économies, nécessaires aux débuts d’un petit commerce qu’ils voulaient monter ensemble. Le salaire de la gardienne était élevé ; en mettant sou sur sou les épargnes qu’elle pouvait faire, sa part de communauté devait se réaliser au bout de deux ans.

Ce fut de là que partit miss Halcombe. Elle fit savoir à la gardienne que la prétendue Anne Catherick lui tenait de près par les liens du sang ; que son emprisonnement à l’hospice était le résultat d’une méprise fatale ; qu’en se prêtant à les rendre l’une à l’autre, la gardienne ferait une bonne action, une œuvre chrétienne. Et alors, avant qu’elle eût eu le temps de soulever la moindre objection, miss Halcombe, tirant de son portefeuille quatre billets de cent livres chacun, les offrit à cette femme comme compensation des risques qu’elle avait à courir, et de sa place si cette place venait à lui être enlevée.

La gardienne hésita, mais par pur étonnement ; elle ne croyait pas à la proposition. Miss Halcombe insista fortement pour la convaincre.

— Vous ferez une bonne action, répétait-elle. Vous viendrez en aide à la femme la plus injustement traitée et la plus malheureuse qui soit au monde. Pour récompense, votre dot est faite. Amenez-moi ici, saine et sauve, la personne en question ; et avant de réclamer aucun droit sur elle, j’aurai fait passer ces billets de banque dans vos mains.

— Me donnerez-vous, demanda la femme, une lettre ces mots-là mêmes seront écrits, et que je pourrai