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d’elle un dernier souvenir moins triste que celui-ci ; mais c’était celui que j’avais emporté avec moi jusqu’au pied de sa tombe.

Une seconde fois, j’essayai de lire l’inscription. Je vis au bas la date de sa mort ; et au-dessus… au-dessus, il y avait, parmi les lignes inscrites sur le marbre, un nom qui gênait mes pensées et les détournait d’elle. Je passai de l’autre côté du tombeau, où il n’y avait rien à lire, — nulle ignominie terrestre qui vînt se placer de force entre son esprit et le mien.

Je m’agenouillai près du tombeau. J’étendis mes mains, je posai ma tête sur la large pierre blanche, et je fermai mes yeux fatigués pour ne voir ni la terre qui l’entourait, ni la lumière qui l’éclairait d’en haut. Je laissai ainsi revenir à moi l’ombre chérie… vous que j’aimai, mon cœur peut maintenant vous parler ! C’est hier, hier seulement que nous nous sommes quittés ! hier seulement que votre main frémissante était dans la mienne ; — hier seulement que mes yeux vous jetaient leur dernier regard. Mon amour ! mon seul amour !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le temps avait suivi son cours ; et le silence s’était étendu comme une épaisse nuit sur ce rapide courant.

Après ces minutes de calme céleste, le premier bruit qui s’éleva fut celui d’un léger souffle d’air circulant parmi les hautes herbes du cimetière. Je l’entendais se rapprocher de moi, lentement, lorsque mon oreille le perçut autre qu’il n’était d’abord ; on eût dit un bruit de pas qui avançaient ; — puis ils s’arrêtèrent.

Je levai les yeux.

Le soleil allait disparaître. Les nuages s’étaient dissous ; la lumière oblique glissait, douce et dorée, aux flancs des collines. La fin du jour se faisait, fraîche, transparente et calme, dans le tranquille vallon des morts.

Devant moi, dans le cimetière, debout l’une à côté de l’autre, et se dessinant sur la froide lueur du ciel, je vis deux femmes. Elles regardaient du côté de la tombe, elles regardaient de mon côté.