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vire américain, frété à destination de Liverpool. Ce navire arriva au port le 13 octobre 1850. Nous débarquâmes assez tard dans l’après-midi, et j’arrivai à Londres le même soir.

Ces pages ne sont pas destinées à rappeler mes courses errantes ou les dangers que j’ai pu courir loin de mon pays. Les motifs qui m’avaient entraîné loin de lui et de mes amis sont déjà connus. De cet exil volontaire, je reviens, ainsi que je l’avais demandé au ciel, ainsi que je l’avais espéré, ainsi que j’y avais compté, un homme nouveau. Je m’étais retrempé dans les eaux d’une autre existence. À la rude école du danger et des crises sans cesse renaissantes, ma volonté s’était fortifiée, mon cœur s’était affermi, mon intelligence s’était formée à compter sur elle-même. J’étais parti pour me dérober aux menaces de mon avenir ; je revenais pour y faire face, ainsi que le doit un homme de cœur.

Pour y faire face avec cet inévitable sacrifice de tout égoïsme qui, je le savais d’avance, allait être exigé de moi. En effet, j’étais bien quitte des pires amertumes du passé, mais non des souvenirs mélancoliques et de l’attendrissement de cœur que m’avait légués cette époque si mémorable pour moi. Je n’avais pas cessé de ressentir, comme un coup irréparable, ce grand désappointement de mon existence ; — j’avais seulement appris à le supporter. Au moment où le navire m’emportait au loin et où mon dernier regard tombait sur la côte anglaise, Laura Fairlie occupait toutes mes pensées ; Laura Fairlie occupait toutes mes pensées au moment où un autre navire me ramenait, et lorsque les clartés du matin me montrèrent le rivage natal.

De même que mon cœur retourne aux amours passées, ma plume retrace le nom qui n’est plus. Je l’appelle encore Laura Fairlie. En pensant à elle, en parlant d’elle, il m’est pénible de lui donner le nom de son mari.

Il n’est pas besoin d’un surcroît d’explications pour justifier ma réapparition dans ces pages. Ce récit continuera donc, si j’ai la force et le courage d’y donner suite.