Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle venait de me faire. Je n’obtins pas de réponse : elle semblait trop absorbée dans ses pensées pour faire attention à mes paroles : — Je crains, remarquai-je après une pause, que Votre Seigneurie n’ait bien mal dormi la nuit dernière. — Oui, dit-elle ; j’ai fait des rêves affreux ; — Vraiment, milady ?… Je croyais qu’elle allait me raconter ses rêves ; mais non : quand elle reprit la parole, ce fut uniquement pour me poser une question.

— Vous avez mis vous-même, et de vos mains, à la poste, la lettre pour mistress Vesey ?

— Oui, milady.

— Sir Percival n’a-t-il pas dit, hier, que le comte Fosco devait m’attendre à la gare de Londres ?

— Précisément, milady…

Elle poussa un profond soupir quand j’eus répondu à cette dernière question, et, pendant le reste de la route, n’ouvrit plus la bouche.

Nous arrivâmes à la station, n’ayant plus guère que deux minutes devant nous. Le jardinier (qui nous avait conduites) s’occupa des bagages pendant que je prenais le billet. Lorsque je rejoignis Sa Seigneurie sur le quai, le sifflet du train retentissait déjà. Elle avait un air tout à fait singulier, et appuyait la main sur son cœur comme si, à ce moment-là même, quelque souffrance ou quelque terreur soudaine était venue abattre son courage.

— Je voudrais que vous vinssiez avec moi ! me dit-elle en me saisissant le bras, comme je lui remettais son billet.

Si nous avions eu du temps devant nous, si j’avais éprouvé la veille ce que j’éprouvais maintenant, j’aurais fait mes arrangements pour l’accompagner, eût-il fallu pour cela remercier immédiatement sir Percival. En l’état des choses, les désirs de milady, exprimés seulement à la dernière minute, m’étaient révélés trop tard pour que j’y pusse donner satisfaction.

Elle sembla comprendre cela elle-même sans me donner le temps de m’expliquer, et ne manifesta pas une seconde fois le désir de m’avoir pour compagne de voyage. Le train s’arrêtait au bord du quai. Milady remit au jardi-