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un effort dont beaucoup d’autres femmes, à sa place, auraient été incapables. J’espère et je crois qu’il ne s’est rien passé de mal… En vérité, c’est ma conviction.

— Il faut que je suive Marian, reprit Sa Seigneurie avec la même physionomie effarouchée. Où elle est allée, il faut que j’aille ; il faut que je m’assure, de mes propres yeux, qu’elle est vivante et se porte bien. Venez, descendons ensemble chez sir Percival.

J’hésitai ; je craignais que ma présence ne fût une indiscrétion. J’essayai de remontrer ceci à milady, mais elle ne voulut pas y entendre. Elle s’était cramponnée à moi de manière à me forcer à descendre avec elle, et, de tout le peu de forces qui lui restait, elle se tenait encore à moi lorsque j’eus ouvert la porte de la salle à manger.

Sir Percival, assis à table, avait devant lui une carafe de vin. Au moment où nous entrâmes, il porta son verre à ses lèvres, et, d’un seul trait, le vida. Voyant qu’il me jetait un regard irrité en le replaçant sur la table, j’essayai d’excuser ma présence, purement fortuite.

Supposez-vous, par hasard, qu’il y ait ici des secrets ? interrompit-il brusquement ; il n’y en a pas, — il n’y a rien sous jeu, rien qu’on veuille vous cacher, à vous ou à personne… Après avoir prononcé ces étranges paroles, à voix haute et d’un ton sévère, il se versa un autre verre de vin, et demanda à lady Glyde ce qu’il pouvait faire pour elle.

— Si ma sœur est en état de voyager, je le puis aussi, répondit Milady avec plus de fermeté qu’elle n’en avait encore montré. Je viens vous prier d’avoir égard à l’inquiétude que Marian me donne, et de permettre que je la suive sans retard, par le train même de cette après-midi.

— Vous voudrez bien attendre jusqu’à demain, répliqua sir Percival. Si vous n’apprenez rien, d’ici là, qui modifie vos résolutions, vous serez libre de partir. Comme je ne suppose pas que vous appreniez rien de semblable, je préviendrai Fosco par le courrier de ce soir…

Il prononça ces dernières paroles, tenant son verre à la