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jeté un certain abattement dans mon esprit, et que j’eusse beaucoup de peine à me maintenir dans mon sang froid habituel. Je ressentais un grand malaise moral. J’aurais bien voulu voir rétablies nos deux pauvres jeunes dames, et j’aurais bien voulu me voir ailleurs qu’à Blackwater-Park.


II


Le premier événement qui se produisit ensuite fut d’une si singulière nature, qu’il aurait pu faire naître en moi un étonnement superstitieux, si des principes bien établis ne préservaient mon âme de toute faiblesse païenne. Ce même pressentiment instinctif de quelque malheur planant sur la famille, lequel m’avait fait souhaiter de quitter Blackwater-Park, eut pour conséquence presque immédiate, — chose étrange à dire, — mon départ de ce château. Il est vrai que mon absence ne fut que temporaire ; mais cette coïncidence, selon moi, n’en était pas moins remarquable.

Voici dans quelles circonstances mon départ eut lieu.

Un ou deux jours après l’expulsion des domestiques, je fus de nouveau mandée auprès de sir Percival. Le blâme immérité qu’il avait jeté sur mon administration domestique ne m’empêchait point, je le dis avec plaisir, de lui rendre le bien pour le mal, au mieux de mes faibles moyens, et je me conformai à l’ordre qui m’était transmis de sa part avec autant d’empressement et de respect que jamais. Pour réussir à étouffer ma légitime rancune, j’avais eu à lutter avec cette nature déchue dont nous participons tous ; plus ou moins habituée à la discipline intérieure, je sus accomplir ce sacrifice.

Je trouvai sir Percival et le comte Fosco assis l’un près de l’autre comme la première fois ; mais, en cette occasion, Sa Seigneurie demeura présente à l’entrevue, aidant sir Percival à énoncer ses projets.