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la comtesse voulut dîner à l’heure du lunch ; et presque toujours, vers le soir, elle montait chez miss Halcombe, bien que mistress Rubelle n’eût laissé à sa charge aucun des soins que comportait l’état de la malade. Sir Percival dînait seul, et William (le domestique chargé du service de table) remarqua devant moi que son maître mangeait moitié moins et buvait deux fois plus qu’à l’ordinaire. Je n’attache pas la moindre importance à une observation comme celle-ci, émanée d’un valet insolent. Je la réprouvai hautement quand elle fut faite, et désire qu’on sache bien à quel point je la réprouve encore.

Pendant les quelques jours qui suivirent, miss Halcombe nous parut à tous sur la voie d’un rétablissement progressif. Nous reprîmes confiance en M. Dawson. Il semblait lui-même très-sûr de son fait, et assura lady Glyde, quand elle l’entretint à ce sujet, qu’il serait le premier à faire chercher un autre médecin, dès qu’il sentirait le moindre doute lui traverser l’esprit.

La seule de nous que ces paroles ne semblèrent pas soulager, fut la comtesse Fosco. Elle me dit, en particulier, qu’elle ne pouvait se rassurer au sujet de miss Halcombe, sans une autre garantie que les affirmations de M. Dawson, et qu’elle attendait avec impatience le retour de son mari, pour savoir de quel œil il envisagerait la situation. D’après les lettres du comte à sa femme, il devait rentrer sous trois jours. Les deux époux s’écrivaient l’un à l’autre, chaque matin, durant l’absence de Sa Seigneurie. À cet égard, comme à tous les autres, ils offraient un excellent modèle aux gens mariés.

Dans la soirée du troisième jour, je remarquai chez miss Halcombe un changement qui me causa des craintes sérieuses. Mistress Rubelle s’en aperçut comme moi. Nous ne voulûmes pas en parler à lady Glyde qui, absolument domptée par la fatigue, s’était endormie sur le canapé du salon.

M. Dawson fit sa visite du soir un peu plus tard que d’ordinaire. Dès qu’il eut jeté les yeux sur sa malade, je vis sa physionomie s’altérer. Il s’efforçait de cacher son trouble, mais son visage trahissait, malgré lui, de vives