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parurent la troubler le moins du monde. Elle lui répondit tranquillement, en mauvais anglais, et bien qu’il fît son possible pour la prendre au dépourvu, elle ne trahit pas la moindre ignorance, du moins en ce qui concernait son métier. Ainsi que je l’ai dit, cela tenait, sans nul doute, à une particulière vigueur d’esprit, nullement à une effronterie blâmable.

Nous entrâmes tous ensemble dans la chambre à coucher.

Mistress Rubelle regarda attentivement la malade ; fit sa révérence à lady Glyde ; remit en ordre deux ou trois objets qui traînaient dans la chambre, et s’assit ensuite fort paisiblement dans un coin pour attendre qu’on eût besoin d’elle. Milady semblait effarouchée et contrariée par l’apparition de cette garde étrangère. Personne n’ouvrait la bouche de crainte de réveiller miss Halcombe, qui était encore plongée dans un demi-sommeil ; — le docteur seul se permit, à voix basse, une question sur la manière dont la nuit s’était passée. Je répondis sur le même ton : « Absolument comme à l’ordinaire. » M. Dawson sortit alors. Lady Glyde le suivit, probablement pour lui parler de mistress Rubelle. Quant à moi, j’avais déjà pris mon parti et décidé que cette paisible étrangère conserverait son emploi. Elle avait bien sa tête à elle, et très-certainement connaissait sa besogne. C’est donc tout au plus si moi-même j’eusse été mieux placée au chevet de la malade.

Me rappelant les avis de M. Dawson, je scrutai sévèrement les démarches de mistress Rubelle, à certains intervalles, pendant les trois ou quatre jours qui suivirent. Plusieurs fois j’entrai dans la chambre, à petit bruit et soudainement, sans jamais surprendre la garde en quelque manœuvre suspecte. Lady Glyde qui, de son côté, la guettait tout aussi attentivement que moi, ne découvrit rien, elle non plus. Jamais je ne vis aucun signe indiquant que les fioles de la pharmacie eussent été l’objet d’aucune falsification ; jamais je ne vis mistress Rubelle adresser une parole au comte, ni le comte lui parler jamais. Elle soignait miss Halcombe avec un zèle,