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vous et moi, et chacun de nous, d’éviter de notre mieux, dans l’intérêt sacré de la famille. C’est donc de toute mon âme que je vous engagerai à ne pas prendre sur vous la sérieuse responsabilité du moindre retard, et à mander immédiatement lady Glyde auprès de vous. Faites ce qu’exige votre devoir d’affection, votre devoir d’honneur, votre inévitable devoir ; et, quoi qu’il puisse arriver, personne n’aura le droit de vous en attribuer le blâme. Une expérience consommée me permet de vous offrir cet avis amical. L’acceptez-vous, oui ou non ?…

Je levai les yeux sur lui, une seconde seulement, émerveillé de son étonnante assurance, et songeant vaguement à sonner Louis pour le faire mettre à la porte. Ce sentiment et cette résolution devaient se lire sur tous les traits de mon visage. Eh bien ! ce qui est parfaitement incroyable, mais tout aussi vrai, c’est que l’expression de ma physionomie ne sembla pas produire sur lui le moindre effet. Cet homme n’a pas de nerfs ; bien évidemment, il n’en a pas.

— Vous hésitez ? me dit-il. Je comprends, monsieur Fairlie, cette hésitation. Votre idée (voyez à quel point mes sympathies me permettent de scruter les mouvements de votre âme) ; votre idée est que lady Glyde ne saurait dans sa situation de corps et d’esprit, faire seule le long voyage du Hampshire ici. Sa suivante favorite lui a été enlevée, comme vous savez ; il ne se trouve, à Blackwater-Park, aucun subalterne dont elle se puisse faire accompagner pour voyager d’un bout de l’Angleterre à l’autre. Votre idée est encore qu’elle ne pourrait, en venant ici, faire halte à Londres dans les conditions de confort et de repos qu’un hôtel public, ou elle serait absolument étrangère, ne lui offrira jamais. Ces deux objections, je les accepte sans hésiter, — sans hésiter je les écarte. Pour la dernière fois, s’il vous plaît, daignez suivre mes paroles. Quand je suis rentré en Angleterre, avec sir Percival, j’avais l’intention de m’établir dans le voisinage de Londres. Cette combinaison vient heureusement de se réaliser. J’ai loué, pour six mois, une petite maison meublée, dans le quartier qu’on appelle